Dernier lancement de SpaceX avant la Falcon Heavy

Falcon Heavy et Falcon 9 sur leur pas de tir respectifs

Une semaine après avoir allumé les 27 moteurs de la Falcon Heavy pour réaliser un test statique, SpaceX lançait un nouveau satellite en orbite à bord d’une Falcon 9. Ce satellite se nomme GovSat-1 et c’est LuxGovSat S.A. qui l’opère. La fusée a décollé le 31 janvier à  22h25 (heure française) depuis le pas de tir LC-40 de Cape Canaveral. Etant donné que la Falcon Heavy est sur le pas de tir 39A, des photographes ont pu saisir quelques clichés faisant figurer les deux lanceurs : impressionnant ! Ci-contre, la Falcon 9 ne possède que le premier étage car il effectuait un test d’allumage, cher à l’entreprise.

 

 

Un satellite d’un tout nouveau genre

Objectifs civils et militaires de GovSat-1

GovSat-1 est un satellite opéré par une co-entreprise privé-public entre le gouvernement Luxembourgeois et le plus grand gérant de satellites au monde : SES. Le but de cette agence est de fournir un service de communication par satellites qui soit sûre, fiable et accessible. Ce service pourra être utilisé par les différents gouvernements du monde afin de répondre à la demande de connectivité résultante de la sécurité civile et de la défense.

 

 

 

 

Satellite GovSat-1 avec des ingénieurs à côté pour avoir une idée de la taille de celui-ci

Ce premier satellite de LuxGovSat S.A. a été construit par la société américaine Orbital ATK. Il sera en opération depuis une orbite géostationnaire au-dessus du méridien 21,5° Est. Celui-ci passe par la Suède, Pologne et plus loin, l’Afrique du Sud. GovSat-1 est construit pour opérer au moins pendant 15 ans depuis son orbite et devrait entrer en service d’ici mars 2018. La masse de ce satellite est de 4320kg, ce qui reste bien en dessous de la masse maximale que peut envoyer une Falcon 9 sur une orbite GTO (ce maximum est de 8 300kg). GTO signifie Orbite de Transfert Géostationnaire, c’est-à-dire une orbite qui aura pour apogée 36 000km (altitude des satellites géostationnaires) et un périgée bien plus bas (moins de 500km). En effet, les lanceurs ne placent jamais (sauf très rares exceptions) leur charge utile directement sur une orbite géostationnaire. Après leur insertion sur cette orbite de transfert, le satellite allume ses propulseurs une fois à l’apogée pour circulariser sa trajectoire : cela devrait parler à plus d’un joueur KSP !

 

 

 

 

Schéma montrant les zones couvertes par les différents signaux

GovSat-1 est équipé de nombreuses antennes de différentes tailles mais qui équivalent, au total, à 68 antennes de 36MHz. Ces antennes permettent au satellite de communiquer en bande X et Ka. La bande X est réservée aux opérations gouvernementales et est un très bon moyen d’établir un contact entre des théâtres d’opérations tactiques, des missions maritimes ou dans des zones affectées par des crises humanitaires. La bande Ka utilisée ici est une bande Ka-militaire. Cette dernière est privilégiée pour les opérations de surveillance, de renseignement et de reconnaissance. GovSat-1 peut émettre cette bande principalement dans la Méditerranée ce qui facilitera la surveillance des frontières de l’espace Schengen. Grâce au grand nombre d’antennes que possède ce satellite, sa couverture est très importante. Il possède un système de six antennes qui peuvent être tournées et être très précis au sol. En plus de cela, il est équipé d’un rayon global en bande-X qui couvre une très large zone : du solide donc.

 

Différentes configurations possibles du satellite GovSat-1

En plus de ses antennes, GovSat-1 utilise un système innovant qui permet d’éviter tout brouillage du signal. La télémétrie (ensemble des informations sur le satellite en lui-même) ainsi que le signal pour contrôler le satellite sont totalement cryptés. Une des forces et innovations de ce satellite vient des nombreuses configurations de signaux possibles. Vous retrouverez ci-contre toutes ces configurations avec la bande utilisée pour tel ou tel signal. L’ensemble de ces nouvelles technologies, des différentes configurations et de la mission civile et militaire font de GovSat-1 un satellite d’un nouveau genre.

 

 

 

 

Lancement à bord d’une Falcon 9 réutilisée mais pas récupérée

Atterrissage du booster 1032 sur la LZ-1 après le lancement du satellite NROL-76 en mai 2017

On peut voir sur des photos du lanceur qu’il est couvert de suie. Comme pour CRS-13, cette suie s’explique par le fait que le premier étage a déjà volé précédemment mais qu’il n’a pas été nettoyé. Pour ce 45ème vol de Falcon 9, c’est le booster 1032 qui a été utilisé pour la seconde fois. Celui-ci avait décollé une première fois pour envoyer le satellite secret NROL-76 en mai 2017. Quelques minutes après le lancement, le booster est venu se poser en douceur à Cape Canaveral sur la LZ-1 (Zone d’Atterrissage 1). Il a ensuite été inspecté en détail pour vérifier que rien n’était endommagé avant de recevoir un second étage tout neuf. En effet, SpaceX ne récupère pas le second étage car il est beaucoup trop délicat de le faire rentrer dans l’atmosphère à des vitesses aussi importantes. Le 26 janvier 2018, cette nouvelle fusée a été dressée sur son pas de tir et a réalisé un test statique de ses moteurs. Ce test permet aux ingénieurs de SpaceX de vérifier que tous les systèmes de vol ainsi que tous les moteurs sont prêts au vol et donc réduire au minimum le risque d’échec : c’est un test d’autant plus important avec l’aspect réutilisable des premiers étages qui subissent des stress importants ! Après ce test, la fusée a été ramené dans son hangar (le HIF) pour y installer la coiffe avec GovSat-1 sur le second étage. En effet, depuis l’échec d’Amos-6, SpaceX ne réalise plus de test statique avec le satellite. Pour rappel, quelques minutes avant le test statique de la Falcon 9 qui devait emmener le satellite israélien, le premier étage a explosé, ce qui fut une période difficile de SpaxeX concernant la perte du satellite et la partielle remise en question de la fiabilité de ses vecteurs et des procédés de tests.

 

Patch officiel de la mission GovSat-1

Initialement, ce lancement était prévu pour le 30 janvier. Comme vous pouvez donc l’imaginer, un report de 24h a eu lieu. Ce report a deux raisons. La première est la cause de décalage la plus fréquente : les vents en haute altitude. En effet, ces vents peuvent causer une perte totale de contrôle de la fusée s’ils sont trop importants. Néanmoins, cette raison n’est pas la seule : SpaceX a annoncé qu’un capteur posait problème sur le second étage. Ce capteur a donc été changé rapidement pour qu’une nouvelle tentative puisse avoir lieu le lendemain. Aucun détail plus précis n’a été donné sur le capteur qui était la source de ce souci.

 

 

 

Falcon 9 sur son pas de tir le 31 janvier

Comme on peut le voir, le lanceur était équipé de ses quatre jambes d’atterrissage et de ses quatre grid fins. Cependant, le booster ne sera pas récupéré. Pourquoi ne pas faire atterrir cet étage qui semblait pourtant pouvoir le faire ? Il existe plusieurs raisons à cette décision. La plus évidente aurait pu être le manque de carburant mais comme expliqué précédemment, le satellite n’atteignait que la moitié de la charge maximale. Les deux explications qui ont donc favorisées ce choix sont les suivantes : le booster 1032 est une version Block 3 et SpaceX va bientôt développer le Block 5 qui sera bien plus puissant et pourra être réutilisé des dizaines de fois. La compagnie privée préfère se « débarrasser » progressivement des étages devenus obsolète pour stabiliser sa flotte sur le vecteur le plus récent et performant. La seconde raison est le lancement de la Falcon Heavy dans quelques jours, et c’est sans doute un motif suffisant : étant donné que GovSat-1 est envoyé sur une orbite GTO, le booster n’a pas assez de carburant pour revenir à Cape Canaveral, au sol : il aurait donc dû atterrir sur la barge automatisée OCISLY (Of Course I Still Love You). Néanmoins, c’est cette même barge qui sera utilisée pour essayer de récupérer le booster principal de la Falcon Heavy. La logistique d’un tel aller-retour et le risque d’un endommagement ou d’une destruction au dernier moment pour un étage vieillissant n’était pas du goût de SpaceX !

 

 

 

Premier étage de la Falcon 9 après son « atterrissage »

On serait tenté d’y voir une perte mais il n’en est rien : comme pour le lancement d’Iridium-4, SpaceX profite de ne pas avoir de risque de rater l’atterrissage pour réaliser des tests. Ces derniers peuvent aller d’un profil de rentrée plus violent à un problème simulé comme un grid fin qui ne veut pas se déployer. Rien de tel qu’un étage considéré perdu pour tenter quelques petites choses exotiques ! Pour le vol de GovSat-1 le test réalisé a été au niveau de l’allumage final pour faire atterrir l’étage. Normalement, le premier étage d’une Falcon 9 atterrit en allumant un seul moteur Merlin 1D. La poussée de 654kN de ce simple réacteur suffit à ralentir l’étage pour toucher le sol (ou la barge) en douceur. Cependant, sur ce test, SpaceX a décidé de ralentir le booster en utilisant non pas un mais trois Merlin 1D. Ce changement permettrait au booster de réaliser un allumage plus tardif et donc d’économiser du carburant, ce qui peut résulter en une augmentation de la charge utile maximale que peut envoyer une Falcon 9. Là encore, cette manœuvre de « Suicide Burn » devrait trouver des afficionados dans nos fans de KSP, n’est-ce pas ? En écoutant les communications entre ingénieurs au sol, on peut se rendre compte que cet allumage final n’a duré que 10 sec contre environ 25 sec pour un atterrissage normal. Malgré le fait qu’OCISLY n’était pas là pour récupérer l’étage, 1032 a été retrouvé en plutôt bon état après avoir touché l’eau en douceur (voir photo ci-contre).

 

Voici une liste des évènements du vol ainsi que des photos :

Décollage de NROL-76

Falcon 9 sur son pas de tir pour le vol de GovSat-1

Décollage de GovSat-1

Photo du décollage prise de très près. Crédit : @timelpasejunkie

Pitch kick = Manœuvre pendant laquelle le lanceur commence à tourner pour augmenter sa vitesse horizontale et se mettre en orbite

Max-Q = Moment pendant lequel le lanceur reçoit le plus grand stress aérodynamique

Séparation du premier étage. On peut voir celui-ci à droite de la tuyère du second étage

GovSat-1 dans la coiffe juste avant la séparation de cette dernière

GovSat-1 sur son orbite de parking avant le deuxième et dernier allumage du second étage

Séparation de GovSat-1. On peut voir le moteur de celui-ci au milieu de l’image. C’est ce moteur qui lui permettra de passer de GTO à GEO

 

Globalement, SpaceX a réussi avec un vol parfait le lancement du satellite luxembourgeois GovSat-1. Un nouveau type d’atterrissage a même pu être testé avec succès. Si tout se passe comme prévu, le prochain vol de la compagnie sera le vol inaugural de leur lanceur lourd : la fameuse Falcon Heavy qui pourra placer plus de 50t en orbite basse. Ce lancement devrait avoir lieu le 6 février et nous vous prévoyons un bel article-dossier sur KSC pour ce vol ! C’est donc SpaceX qui clôture le mois de janvier niveau spatial, pendant lequel près de 13 fusées ont décollé vers l’orbite.

Sources : SpaceX, LuxGovSat S.A.

 

One Response to “Dernier lancement de SpaceX avant la Falcon Heavy”

  1. […] sait maintenant récupérer des étages sur la terre ferme ou sur des barges dans l’océan (ou même parfois directement dans l’eau, pour des tests !). Si on prend en compte ces récupérations qui consomment du carburant pour assurer le retour, la […]

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