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Opportunity : le rover de tous les records

vendredi, février 15th, 2019

Alors que l’atterrisseur Insight terminait de déployer la sonde thermique HP3 à la surface de la planète rouge, la NASA annonçait la fin officielle de la mission Mars Exploration Rover. Cette dernière, lancée il y a plus de 15 ans comportait deux rovers : Spirit et Opportunity. C’est ce second qui, après de longues années de loyaux services et de longs kilomètres parcourus, a rendu l’âme. Revenons un instant sur cette incroyable mission qui nous a permis de grandement améliorer notre connaissance de la planète rouge et notamment de sa géologie.

Histoire

L’exploration américaine du sol de Mars commence dans les années 1970 avec le tout premier atterrisseur : Viking 1 qui se pose en 1976. Seize ans après, la NASA lance sa sonde la plus chère pour un coût de 813 millions de dollars de l’époque : Mars Observer. Celle-ci devait se mettre en orbite afin d’étudier la surface, le champ magnétique et l’atmosphère de la planète. « Devait » car tout ne s’est pas passé comme prévu : Le signal est perdu peu avant l’insertion en orbite de Mars, sûrement à cause d’une fuite déclenchée par le mélange involontaire des ergols hypergoliques. Après cet échec, la NASA lance son programme Discovery qui regroupera notamment les sondes Messenger (vers Mercure), Kepler (téléscope spatial) mais aussi Mars Insight. La devise de ce nouveau programme était « better, faster, cheaper », sous-entendu plus de sondes à moindres coûts pour éviter un échec aussi important que Mars Observer. Ainsi, la NASA décide d’envoyer un orbiteur et un atterrisseur à chaque fenêtre de tir vers Mars, soit tous les deux ans, dans le cadre de ce programme. C’est pourquoi en 1996, l’atterrisseur Mars Pathfinder est lancé un mois après l’orbiteur Mars Global Surveyor. Pathfinder déposera à la surface le tout premier rover : Sojourner. Celui-ci roulera pendant quelques semaines et couvrira une centaine de mètres avant de cesser d’émettre par manque d’énergie.

Le petit rover Sojourner photographié par l’atterrisseur Pathfinder lors de son deuxième jour martien à la surface. Crédit : NASA

Deux ans plus tard, la sonde Mars Climate Orbiter décolle suivie par l’atterrisseur Mars Polar Lander. Cependant ces deux missions sont des échecs et la NASA décide d’arrêter les lancements doubles et de remettre en question la devise du programme Discovery. Ce double échec signe également l’annulation de la mission Mars Surveyor 2001 qui devait emporter un atterrisseur très similaire à Phoenix ou Insight. Ainsi, au début des années 2000, l’orbiteur 2001 Mars Odyssey est lancé pour étudier la répartition des minéraux sur Mars et rechercher la présence d’eau. La NASA en profite également pour modifier sa stratégie d’exploration martienne : elle souhaite ramener un échantillon afin de mieux étudier et comprendre les interactions qu’il y a eu entre l’atmosphère et l’eau sur Mars. Cependant une telle mission est très complexe, et pour l’instant, aucun orbiteur ne possède de caméra suffisamment puissante pour trouver un site d’atterrissage et de récolte convenable : Il faudra attendre 2006 et le Mars Reconnaissance Orbiter.

Vue d’artiste de l’orbiteur 2001 Mars Odyssey en orbite autour de Mars. Crédit : NASA

L’agence spatiale américaine décide donc de se rabattre sur une mission à visée géologique en attendant cette nouvelle sonde. Cette mission doit permettre d’explorer et d’analyser in situ les roches et reliefs martiens. Pour ce faire, il faudra nécessairement un rover. Impossible de dériver Sojourner pour accomplir cette mission car son autonomie était bien trop limitée pour une telle expédition. Le JPL (Jet Propulsion Laboratory) propose de développer un nouveau rover : Mars Exploration Rover (MER). Celui-ci sera bien plus grand que Sojourner, aura une meilleure autonomie et pourra transporter un nombre plus important d’instruments. Cependant il restera assez léger pour pouvoir utiliser des airbags pour atterrir sur Mars, comme avait réussi Mars Pathfinder. La NASA décide d’envoyer deux MER pour mettre toutes les chances de son côté et assurer la réussite de la mission. Elle argumente en précisant que le coût de fabrication d’un second MER est ridicule par rapport au coût de développement mais, en plus, qu’un double succès serait un bond de géant pour les résultats scientifiques. L’ensemble de la mission devra coûter 850 millions de dollars, autant que pour Mars Observer. Le lancement des deux rovers devrait avoir lieu lors de prochaine fenêtre : en 2003.

Comparaison des rovers martiens américains : devant, Sojourner ; à gauche, un MER ; à droite, MSL (Curiosity). Crédit : NASA

Les rovers MER sont équipés de sept instruments scientifiques et doivent parcourir plus d’1km pendant 90 jours martiens (ou sols). Les objectifs de cette mission sont nombreux :

-Rechercher des roches et des sols témoignant de la présence passée d’eau

-Déterminer la distribution et la composition des minéraux, roches et sols autour des sites d’atterrissage

-Déterminer les processus géologiques qui ont amenés à la formation de ces reliefs et sols.

-Valider les mesures faites depuis l’orbite afin de pouvoir déterminer la précision des instruments des orbiteurs

-Rechercher des minéraux contenant du fer et ceux ayant été formés dans l’eau ou qui en contiennent

-Déterminer la texture des roches ainsi que les caractéristiques des minéraux

-Déterminer si les environnements où de l’eau était présente à l’état liquide étaient propices à la vie

Les rovers de cette mission repose en grande partie sur les développements de missions passées. L’étage de croisière est dérivé de Mars Pathfinder tout comme le véhicule de rentrée et le module d’atterrissage. Certains éléments sont modifiés comme, par exemple, le parachute qui a été agrandi de 40% ou les moteurs qui sont désormais 90% plus puissants. Les instruments des rovers viennent, quant à eux, du rover Athena qui aurait dû accompagner Mars Surveyor 2001.

Les composants généraux des MER

Les deux sondes MER sont rigoureusement identiques. Même si les rovers, qui ne pèsent que 185kg chacun, ne représentent qu’une petite partie du poids total des sondes, ces dernières restent assez légères avec une masse de 1063kg. Chaque sonde est composée de quatre parties majeures : L’étage de croisière, le véhicule de rentrée, le module d’atterrissage et enfin le rover.

Modélisation 3D des sondes MER avec leurs différentes parties. Crédit : NASA

L’étage de croisière est chargé d’emmener le rover à bon port. Pour ce faire, il emporte 31kg d’hydrazine afin d’alimenter deux grappes de petits moteurs qui peuvent réaliser des corrections de trajectoire et/ou d’orientation. Il est également équipé de cinq détecteurs solaires et d’un suiveur stellaire afin de déterminer avec précision l’attitude de la sonde. Pour communiquer avec la Terre, l’étage de croisière transporte deux antennes, une à petit et une à moyen gain. Les deux transmettent les données de télémétrie et reçoivent les commandes en bande X. Cet étage dispose également d’une surface de 4,4m² de panneaux solaires afin de délivrer une puissance électrique de 300 à 600W tout au long du voyage. Ce disque de 2,65m de diamètre et de quelques dizaines de centimètres d’épaisseur est également équipé de radiateurs de manière à garder les systèmes dans des conditions thermiques acceptables. Cependant, l’étage de croisière ne possède pas d’ordinateur de bord. C’est le rover qui contrôle tout pendant le voyage. Une fois assez proche de Mars, cet étage devient inutile et est largué.

Opportunity en préparation dans la salle blanche du JPL. On voit bien l’étage de croisière, ici, en bas, ainsi que tout le véhicule de rentrée. Crédit : NASA

La seconde pièce majeure des sondes MER est leur véhicule de rentrée. C’est lui qui a pour objectif de les protéger lors de la rentrée à très haute vitesse (5,5km/s) dans l’atmosphère martienne. En effet, aussi ténue qu’elle soit, elle n’en reste pas moins présente et nécessite l’utilisation d’une protection thermique (ce qui n’est pas nécessaire lors d’un atterrissage sur la Lune par exemple). Ce véhicule de rentrée permet de résister à des températures allant jusqu’à 1500°C (en comparaison, l’acier fond aux alentours de 1400°C). Pour ce faire, il est équipé d’un bouclier thermique à l’avant ne pesant que 79kg et fabriqué dans un matériau ablatif qui évacue la chaleur en se consumant lentement. Le bouclier arrière, quant à lui, pèse 209kg et a une forme plus conique. Il est également recouvert d’un matériau ablatif mais bien plus fin car ce bouclier subit moins de chaleur. C’est également cette partie du véhicule de rentrée qui contient le gigantesque parachute supersonique qui ralentit la sonde lors de sa rentrée. Il est aussi équipé de plusieurs moteurs pour ralentir encore plus la sonde avant de passer à la dernière étape de la rentrée : l’atterrissage.

C’est le module d’atterrissage qui s’occupe de cette dernière phase critique avant de pouvoir commencer la science au sol. Il est largué à une vingtaine de mètres du sol et a pour seul objectif d’amortir le choc au moment du contact avec le sol. Comme pour Mars Pathfinder, c’est grâce à un ensemble d’airbags que cet amortissement est permis. Le module a une forme tétraédrique et chaque face possède un ensemble de 6 lobes gonflables. Ces derniers sont fabriqués en vectran, un matériau encore plus solide que le kevlar. Au total, ce module d’atterrissage pèse 348kg.

Système de coussins gonflables en test. Crédit : NASA

Enfin, la partie la plus importante de la sonde : le rover. Chaque rover mesure environ 1,5m de haut pour une largeur de 2,3m et une longueur de 1,6m. Le corps central des rovers est un bloc triangulaire qui abrite les composants ne pouvant pas résister aux conditions thermiques extrêmes de Mars. On y trouve donc l’ordinateur de bord, la centrale inertielle (qui permet de connaître l’orientation du rover), la partie électronique de certains instruments, les cartes de contrôles des moteurs des roues, les batteries, etc. Pour réguler la température, ce corps central est équipé de plusieurs systèmes. On y retrouve des radiateurs mais aussi une isolation passive avec un aérogel de silice et une feuille d’or. Pour lutter contre le froid, les ingénieurs ont décidés de placer huit pastilles de 2,7g chacune de dioxyde de plutonium, un composé radioactif qui émet de la chaleur. La chaleur libérée par l’électronique participe également à réchauffer cet intérieur.

Pour se propulser, le rover utilise un ensemble de six roues. Ces roues sont placées sur une suspension mise au point par la NASA et surnommée rocker-bogie. Elle permet de franchir des obstacles de plus de 26cm, soit plus que le diamètre des roues. Grâce à son centre de masse abaissée, le rover est théoriquement capable de gravir des pentes de 45° mais cet angle a été limité à 30° afin d’éviter tout problème. Chaque roue possède son propre moteur et les roues avant et arrière sont capables de pivoter afin de faire tourner le rover. Ce dernier peut atteindre une vitesse de 180m par heure mais il ne dépasse pas les 133m/h à cause du terrain et des changements de direction nécessaires.

Les roues et la suspension rocker-bogie en cours de test sur une réplique des MER. Crédit : NASA

D’un point de vue électricité, chaque rover est alimenté par des panneaux solaires qui recouvrent le haut du corps central mais aussi des panneaux qui se déploient à l’arrière et sur les côtés après l’atterrissage. Au total, il possède une surface de 1,3m² de cellules photovoltaïques, ce qui lui fournit 200W au mieux. Ces panneaux ont été choisis de part leur très bon rapport rendement (28%) sur masse (2,06kg/m²). Au mieux, chaque rover peut produire 1kWh d’énergie par jour, quantité qui peut chuter jusqu’à 200Wh à cause de la poussière accumulée ou des tempêtes. Afin de continuer de fonctionner même par manque de soleil, chaque rover emporte deux batteries Li-ion de 8 cellules chacune pour un stockage de 16Ah à 32V par batterie. Ainsi, dans les meilleurs cas, le rover peut rouler pendant quatre heures sans s’arrêter.

Photo du dessus des panneaux solaires du rover Spirit sur Mars. Crédit : NASA

Pour ce qui est de la communication, le système est bien différent de Sojourner. En effet, ce dernier était dépendant de son atterrisseur et ne pouvait donc pas s’éloigner à plus de 500m sous peine de perdre le contact avec la Terre. Étant donné que les rovers MER doivent parcourir plus d’1km, ils doivent être totalement autonomes d’un point de vue communication. Ils peuvent donc envoyer leurs données directement aux orbiteurs qui servent de relais avant que les données ne soient captées par les gigantesques antennes du Deep Space Network ici, sur Terre. Mais ils sont également capables de communiquer directement avec la Terre, avec un débit cependant réduit. Chaque rover est équipé de trois antennes :

                -Une antenne grand gain parabolique de 28cm qui permet la communication directe avec la Terre en bande X. Elle peut transmettre une grande quantité de données mais les temps de communication étaient limités à 3h/jour pour éviter de trop vider les batteries. Cette antenne a été ajoutée aux rovers afin de compenser l’abandon de la mise en place d’un réseau de communication en orbite de Mars. Cependant, il a aussi fallu supprimer un instrument scientifique (le spectromètre Raman) pour ne pas trop alourdir le vaisseau.

                -Une antenne faible gain omnidirectionnelle qui permet au rover de communiquer avec la Terre en bande X avec un débit très faible.

                -Une antenne UHF (Très Hautes Fréquences) omnidirectionnelle mais de portée plus réduite. C’est elle qui est utilisée pour communiquer avec les relais en orbite martienne (Mars Global Surveyor, Mars Odyssey et Mars Reconnaissance Orbiter). Les temps de communication durent entre 5 et 10 minutes suivant la sonde qui survole le rover.

Les antennes grand et faible gain des rovers MER. Crédit : NASA

Pour naviguer sur Mars, les rovers MER sont équipés de beaucoup de capteurs. Ils possèdent une centrale inertielle avec trois accéléromètres et trois gyromètres afin de déterminer l’orientation du rover. En effet l’absence de champ magnétique empêche l’utilisation d’un magnétomètre pour savoir où se trouve le Nord. Des détecteurs permettent également de prévenir si les suspensions sont surchargées ou si le rover est dans une situation dangereuse. Chaque rover emporte également un lot de caméras : Les Hazcams, deux paires de caméras monochromatiques, une à l’avant et une à l’arrière, possédant un grand angle (125°) ; la Navcam, une paire de caméra grand angle (45°) située en haut du mât des rovers ; la Pancam, une paire de caméra couleur normalement à but scientifique mais qui sert également pour la navigation avec son faible angle (16°). Avec tous ces équipements, les rovers sont capables de détecter les obstacles sur son chemin et d’adapter leur trajectoire en conséquence.

Disposition des caméras sur les rovers MER

Les instruments scientifiques emportés par les MER

Chaque rover MER emporte un total de 7 instruments afin de mener à bien sa mission scientifique :

                –Pancam : Cette double caméra est placée en haut du mât des rovers. Ainsi elle est capable de pointer n’importe où pour observer en détail les roches présentes sur le chemin des MER. Chacune des deux caméras est équipé d’un capteur CCD de 1024 pixels par 1024. Grâce aux deux caméras, il est possible de réaliser des images tri-dimensionnelles des roches, très pratiques pour les géologues. La Pancam est également équipé d’un jeu de filtres : huit filtres montés sur une roue et permettant d’imager à différentes longueurs d’ondes ; deux filtres solaires pour étudier l’absorbance des poussières en suspension dans l’atmosphère martienne ; des filtres pour étudier le spectre dans l’infrarouge avec la caméra droite ; des filtres pour étudier le spectre dans le visible avec la caméra gauche.

« Tête » des rovers MER avec la caméra Pancam et le spectromètre Mini-TES. Crédit : NASA

                –Mini-TES : Ce spectromètre fixé en haut du mât, à côté de la Pancam, permet d’étudier la composition minéralogique des roches et des sols. Pour ce faire, il mesure le rayonnement infrarouge naturellement émis par les sols.

                –APXS : L’instrument Alpha Particle X-ray Spectrometer est placé au bout du bras robotique des rovers. Le but de cette expérience est d’étudier l’abondance des éléments chimiques présents dans les roches. Pour ce faire, une source radioactive de Curium 244 bombarde de particules alpha et de rayons X l’échantillon à étudier. Le spectromètre analyse ensuite les rayons X et les particules alpha émis par les éléments présents dans l’échantillon. Cet instrument a été développé par l’institut Max Planck de Chimie à Mayence en Allemagne.

Photo du bras robotique des MER par la caméra Hazcam frontale sur Mars. Crédit : NASA

                –MIMOS II : C’est dans la même ville que pour APXS qu’a été développé MIMOS II mais dans l’Université Johannes Gutenberg. Ce spectromètre dit Mössbauer utilise un faisceau de rayons gammas afin de réaliser une étude précise de la minéralogie des roches. Et comme APXS, il est placé sur le bras robotiques des rovers.

                –RAT : Cet outil a un but très simple : enlever les poussières au-dessus des roches pour permettre de meilleures mesures par les autres instruments des MER. RAT est une meule de 4,5cm de diamètre constituée d’éclats de diamants et permet de nettoyer la roche sur une profondeur de 5mm.

                –Microscopic Imager : Placé sur le bras robotique, ce microscope permet d’obtenir des images du sol d’une résolution impressionnante : 20 à 40µm/pixel.

                –Piège à particules magnétiques : Un ensemble de 7 aimants a été placé sur le corps des rovers MER. Ainsi, les particules magnétiques en suspension dans l’atmosphère martienne viennent s’y fixer. Elles sont ensuite étudiées par MIMOS II, APXS ou Miscroscopic Imager.

La mission de Spirit et d’Opportunity

Les deux sondes MER étaient initialement appelées sous les noms MER-A et MER-B. MER-A a ensuite été renommé en Spirit et MER-B en Opportunity. Spirit a été lancée le 10 juin 2003 depuis le pas de tir 17A de Cape Canaveral à bord d’une Delta II 7925. Opportunity est parti quatre semaines plus tard, le 7 juillet, depuis le pas 17B à bord d’une Delta II 7925H. En effet, à cause des quelques semaines de retard, la puissance nécessaire pour le transfert vers Mars augmente tellement qu’il faut utiliser la version lourde du lanceur. Cette version remplace les boosters GEM-40 par des GEM-46, légèrement plus gros et offrant donc une plus grande puissance. Ces lanceurs étaient également équipés d’un étage supplémentaire Star48B afin de fournir la poussée nécessaire au voyage.

Décollage de la Delta II 7925H qui propulsa Opportunity en direction de Mars. Crédit : NASA

Le transit Terre-Mars a duré environ six mois pendant lesquels les sondes ont parcouru plus de 500 millions de km. Durant ce trajet, cinq manœuvres de correction ont été réalisées. La dernière était facultative mais permettait d’être plus précis quant au lieu d’atterrissage. Lors de cette phase, la position précise des sondes était mesurée grâce au temps que mettent les ondes radio pour rejoindre la Terre. Pour ce qui est de la vitesse, elle était donnée grâce à l’effet Doppler mais aussi avec une technique appelée DDOR mise au point pour l’occasion qui visait à mesurer simultanément la position de la sonde et la position d’un quasar avec deux antennes sur Terre.

Après ces six mois de transit, les sondes frappent l’atmosphère martienne à une vitesse de 5,5km/s. C’est d’abord le véhicule de rentrée qui freine les sondes : Les frottements avec l’atmosphère réduisent la vitesse par un facteur 15. Un parachute est ensuite déployé alors que les sondes se déplacent encore à 1,77 fois la vitesse du son. Celui-ci divise encore la vitesse par 7. A ce moment, cette dernière est inférieure à 50m/s. Les airbags se gonflent ensuite et le parachute est largué. Les propulseurs prennent le relai et viennent annuler toute la vitesse du module d’atterrissage à une vingtaine de mètres du sol, point où ce dernier est largué. Les airbags amortissent le choc final et, une fois que l’ensemble a arrêté de rebondir et de rouler, se dégonflent et s’ouvrent. Tous ces évènements ont eu lieu le 3 janvier 2004 pour Spirit qui a atterri dans le cratère Gusev, à 15° au sud de l’équateur, et le 24 janvier 2004 pour Opportunity qui s’est posé sur Meridani Planum, quasiment à l’équateur.

Module d’atterrissage de Spirit pris en photo par cette dernière. Crédit : NASA

Spirit parcoure ensuite plus de 7,7km. Elle visite tout d’abord le cratère Bonneville en espérant y trouver des roches mises à l’affleurement par l’impact de la météorite…mais rien n’est visible. Le rover s’élance ensuite vers les collines Columbia. Elle arrive à leur base en juin 2004 et se hisse au sommet de la plus haute plus d’un an après, en août 2005. Sur son trajet, Spirit a trouvé des roches témoignant de la présence d’eau liquide ! Durant l’ascension des collines, les panneaux solaires, salis par la poussière, ont magiquement été nettoyés par des petites tornades se formant régulièrement partout sur Mars. Le rover descend ensuite vers Home Plate où elle restera de 2006 à 2008. Là, sa roue avant-droite se coince et le rover doit donc progresser en marche arrière pour compenser. Spirit s’immobilise pendant 8 mois pour recharger entièrement ses batteries d’avril à novembre 2006.

Panorama pris par Spirit depuis la West Valley. Crédit : NASA

Après ce long sommeil, Spirit est réveillée mais sa roue coincée ne démarre toujours pas. Elle continue donc d’avancer à reculons et ce comportement handicapant finit par présenter un avantage : La roue immobile a retiré la couche superficielle de poussière au-dessus du sol pour y laisser apparaître un mélange de silice et d’or en proportions inhabituelles. Encore plus dingue, ce matériau ne se forme qu’en présence d’eau ! En décembre 2008, Spirit est mise en route vers les formations géologiques Goddard et Von Braun. Malheureusement, en mai 2009, les roues du rover se bloquent dans un banc de sable fin. Les ingénieurs du JPL tentent tout pour la sortir de là… en vain. Spirit finira par s’éteindre définitivement en mars et la NASA abandonnera toute communication en mai 2011. Le rover aura tout de même bien surpassé les attentes initiales en parcourant 7 fois plus de distance et en restant en fonctionnement 20 fois plus longtemps que prévu !

Trajet de Spirit pendant ces plus de 7 ans. Crédit : NASA

Opportunity a été encore plus impressionnante ! Elle commence par visiter le cratère Eagle dans lequel elle s’est posée. Ici, elle identifie des roches détectées par Mars Global Surveyor et qui contiennent de l’hématite grise, un minéral souvent formé en présence d’eau. Opportunity réussit à trouver de nombreux indices montrant la présence passée d’eau à cet endroit. La même année, le rover se dirige vers le cratère Endurance à 750m. Elle l’atteint fin avril 2004 et en étudie les bords. Les scientifiques au sol décident de prendre la décision de faire descendre Opportunity dans le cratère. Elle y passera 180 jours avant d’en ressortir sans problème, malgré les craintes des ingénieurs, en décembre 2004. A partir de 2005, Opportunity commence sa route vers le cratère Victoria à 9km de là. Au cours de son voyage, Opportunity croise le bouclier thermique qui l’avait protégé lors de la rentrée avant d’être largué. C’est également lors de ce trajet que, le 20 mars 2005, Opportunity bat le record de distance parcouru sur Mars en un jour : 200m. Fin avril, le rover se bloque dans une dune de sable, mais contrairement à Spirit, elle réussit à s’en sortir en faisant marche-arrière. Le bras robotique subit une première défaillance qui, à la suite d’une seconde en 2008, forcera les ingénieurs à toujours garder le bras déployé.

Photo d’une mini-tornade prise par Opportunity dans la Marathon Valley. Crédit : NASA

Fin septembre 2006, Opportunity atteint le cratère Victoria. Le rover sera immobilisé quelques mois en 2007 à cause de tempêtes qui ont recouverts de poussières ses panneaux solaires. Au final, Opportunity quitte le cratère en septembre 2008 et se dirige vers le cratère Endeavour qu’elle atteindra en 2011. En juin 2010, Opportunity a déjà parcouru 21,4km depuis son atterrissage mais se situe encore à 12km du cratère Endeavour à cause de détours nécessaires pour éviter une plaine sableuse. Le 9 août 2011, le rover atteint enfin cette formation et commence à l’explorer. Dans les années qui suivent, la quasi-totalité des instruments tombent hors-service, ayant dépassé depuis longtemps la durée de fonctionnement prévue. Les caméras commencent à être sales et les batteries fatiguent. C’est au final au milieu de l’année 2018 que le rover Opportunity rend l’âme. A cause d’une tempête majeure qui a privée la quasi-totalité de la surface de Mars de lumière pendant plusieurs mois, les batteries du rover se sont presque entièrement vidées. Malgré le retour du Soleil, les panneaux solaires n’arriveront jamais à recharger les batteries suffisamment pour redémarrer Opportunity. Ainsi, le 13 février 2019, après plus de 800 tentatives de communication, la NASA annonce officiellement la fin de la mission Mars Exploration Rover. Opportunity aura parcouru plus de 45km et reste encore aujourd’hui le robot qui a le plus visité Mars. Son dernier message aura été « Mes batteries sont presque vides et il fait de plus en plus noir ici » (message un peu romancé par rapport à ce qui a vraiment été reçu par les antennes sur Terre).

Trajet d’Opportunity retracé pendant ses 15 ans de fonctionnement. Crédit : NASA

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64 satellites et une troisième réutilisation de lanceur ! Qui dit mieux ?

lundi, décembre 3rd, 2018

SpaceX, ce nom vous dit quelque chose c’est sûr ! Mais vous souvenez-vous bien de l’objectif de cette compagnie américaine avec son lanceur Falcon 9 et plus particulièrement avec la dernière version, le Block 5 ? Le but est de réutiliser le premier étage de la fusée une dizaine de fois sans réparations majeures et ensuite jusqu’à une centaine de fois avec une remise en état plus poussée. Cependant, là où ça coince, c’est que SpaceX n’a jamais fait voler plus de deux fois un booster. Un peu embêtant quand on promet une baisse des prix très importante grâce à la réutilisation. Mais maintenant que la compagnie gère très bien le deuxième vol, il est temps de passer au troisième. Et justement, en ce 3 décembre 2018, SpaceX réalise un nouvel exploit en faisant redécoller pour la troisième fois un premier étage de son lanceur Falcon 9 ! Et tout aussi impressionnant, ce n’est pas un, ni deux, ni dix mais bien 64 satellites qui étaient à bord de la fusée !

Spaceflight, la compagnie à la base de cette mission

Spaceflight est un servie créé par Spaceflight Industries, une entreprise américaine. Le but de cette dernière est de simplifier l’accès à l’espace. En effet, ils croient que la conquête spatiale est essentielle à l’amélioration de la vie sur Terre. Ainsi ils proposent deux services : BlackSky et Spaceflight. BlackSky a pour but d’être une constellation de 60 satellites qui fournirait une carte en haute définition (résolution de 1m² par pixel) et quasiment en temps réel de presque toute la surface terrestre. D’un autre côté, l’initiative Spaceflight a pour but de simplifier l’envoi de satellites. Ils se chargent de trouver le lanceur correspondant au besoin du satellite, sans faire exploser le budget et sans avoir à attendre trop longtemps. Pour l’instant ce sont 140 satellites pour 32 pays différents qui ont été lancés grâce à Spaceflight.

Une partie de l’équipe de Spaceflight responsable du vol SSO-A devant le bâtiment d’intégration des Falcon 9 à Vandenberg. Crédit : Spaceflight

La mission de ce 3 décembre est donc commandée par cette dernière entreprise. Ce sont eux qui se sont chargés de regrouper les 64 nouveaux satellites venant de 17 pays différents, de les intégrer sur une plateforme pour le lancement et de commander le vol sur une Falcon 9. Cette dernière a pour but de placer tous les satellites sur une orbite héliosynchrone de 575km d’altitude et inclinée à environ 98°. L’heure locale au niveau du nœud descendant de l’orbite sera de 10h30. Le nœud d’une orbite est le point d’intersection entre la trajectoire de l’objet et le plan équatorial du corps autour duquel il orbite (en l’occurrence la Terre). Cependant il y a deux nœuds : le nœud ascendant, quand le satellite passe du côté Sud au côté Nord, et le nœud descendant quand il passe du côté Nord au côté Sud. Etant donnée que l’orbite de cette mission est héliosynchrone, l’heure locale au niveau du nœud descendant reste constante, ce qui est particulièrement utile pour les observations terrestres.

Infographie récapitulant la mission SSO-A. Crédit : Spaceflight

Parmi les 64 passagers du vol, on trouve un grand nombre de satellites d’observations terrestres mais aussi des démonstrateurs technologiques et plein d’autres. En voici quelques-uns :

                -ESEO : Pour European Student Earth Orbiter, ESEO est un microsatellite développé par des étudiants européens. Il fait parti des projets de l’Office d’Education de l’ESA (Agence spatiale européenne). C’est le troisième objet du Programme Satellite d’Education de l’ESA. Il aura pour but d’imager la Terre, de mesurer les radiations mais aussi de tester de nouvelles technologies qui serviront pour les futures missions de ce programme. A bord de ESEO on trouve donc une micro caméra, des capteurs de radiations, deux antennes qui serviront aux radioamateurs et comme entrainement pour les étudiants, un récepteur GPS pour essayer de déterminer son orbite précisément et une voile qui devrait permettre de désorbiter le satellite plus rapidement. ESEO mesure 33 x 33 x 63cm, pèse 44kg et a une vie en orbite d’environ six mois.

Micro satellite ESEO. Crédit : ESA

                   –eXCITe : eXCITe (eXperiment for Cellular Integration Technologies) est un microsatellite développé par la DARPA, une agence du département de défense des Etats-Unis. Le but de celui-ci est de tester un système de « satlets ». Ces satlets sont des petits satellites qui peuvent s’assembler pour former des structures plus complexes et ainsi réaliser diverses missions. Ils partagent électricité, chaleur, données, etc.  Chaque satlet mesurent environ 20 x 20 x 10cm. Le but ultime de la DARPA serait d’avoir un plus gros satellite en orbite qui servirait de fabrique de satlets et qui pourrait assembler divers satellites avant des les larguer. Cependant eXCITe n’est pas encore cette fabrique. Il est déjà assemblé de 14 satlets pour vérifier que les interactions entre toutes ces briques fonctionnent bien. Il pèse 155kg et aura une durée de vie de deux à neuf semaines. eXCITe emporte également avec lui le satellite SeeMe pour un autre projet de la DARPA : imager la Terre rapidement et précisément.

Micro satellite eXCITe avec le satellite SeeMe en orange. Crédit : DARPA

                   –FalconSAT-6 : Cet autre microsatellite a été développé par l’US Air Force Academy (USAFA) et aura pour but principal de tester et prouver l’efficacité des systèmes à multiples poussées. La charge utile primaire est le moteur à effet Hall SPCS-2. FalconSAT-6 possède également une expérience qui vient accompagner le SPCS-2, la CME qui va mesurer la contamination dûe aux allumages de ce moteur, aux manipulations au sol durant les tests et l’intégration, aux environnements post encapsulation et au dégazage en orbite de certains matériaux. Un autre instrument nommé HIPE, développé par l’USAFA, va mesurer la propagation de certaines ondes dans l’ionosphère. Enfin, l’expérience AFRL va tester de nouveaux panneaux solaires plus performants ainsi que des circuits flexibles. Ce satellite pèse au total 181kg.

Micro Satellite FalconSAT-6. Crédit : US Air Force Research Laboratory

                   –Orbital Reflector : Quelle est la nouvelle forme de l’art moderne ? Envoyer une énorme structure réfléchissante dans l’espace ! C’est l’idée qu’a eu l’artiste Trevor Paglen avec le Musée d’art du Nevada. Orbital Reflector c’est un Cubesat 3U qui va, une fois en orbite, déployer une large structure de 30m dans un matériau léger similaire au mylar. Cette structure va se gonfler elle-même pour devenir un gros réflecteur. Depuis le sol, il devrait être possible de voir le satellite comme un point aussi lumineux que les étoiles de la Grande Ours. Cependant, ce type de satellite commence à se démocratiser (on a déjà vu Humanity Star lors du second vol d’Electron) et les astronomes s’inquiètent d’une pollution lumineuse directement dans l’espace, surtout que la station spatiale internationale est déjà très bien visible depuis le sol.

Structure réfléchissante Orbital Reflector. Crédit : Nevada Museum of Art

                   –PW-Sat 2 : Ce Cubesat polonais est un démonstrateur technologique. Il aura pour but de tester une voile qui permettrait de faire rentrer les Cubesats plus vite dans l’atmosphère une fois leur mission terminée. PW-Sat 2 possède également deux caméras : une pour confirmer l’ouverture de la voile et une qui servira de prototype de capteur solaire, un type de capteur qui permet de connaître l’attitude du satellite.

Cubesat PW-Sat 2 avec sa voile déployée. Crédit : PW Sat 2 (Marcin Świetlik)

                –ROSE 1 : ROSE 1 est un Cubesat 6U (30 x 20cm) qui servira de plateforme de test au propulseur plasma Phase Four RFT (Radio Frequency Thruster). Si ce moteur fonctionne correctement, il deviendra le tout premier moteur plasma à équiper un nano satellite. ROSE 1 va donc essayer de démontrer que le moteur Phase Four RFT est capable de résister au lancement et d’effectuer des corrections orbitales pour modifier la trajectoire du satellite.

Cubesat ROSE 1 avec ses deux panneaux solaires déployés. Crédit : Phase Four

Tous ces satellites sont placés sur un adaptateur développé par Spaceflight. Il est constitué de quatre parties : l’ESPA qui transporte des micro satellites et des Cubesats, le CubeStack qui transporte des Cubesats, le Hub sur lequel est attaché des microsatellites et le MPC qui porte des microsatellites sur sa partie externe et jusqu’à douze Cubesats 12U sur sa partie interne. Comme le montre une des images ci-dessous le déploiement des satellites se fait suivant un ordre très précis : C’est d’abord l’ESPA, le CubeStack et le Hub qui se séparent du second étage de la Falcon 9, ensuite les microsatellites de la partie externe du MPC sont largués et enfin la partie interne du MPC est détachée. Tous les satellites à bord du premier bloc sont ensuite largués, tout comme ceux sur la partie interne du MPC.

Descriptif des différentes parties de adaptateur qui tiennent les satellites pendant le lancement. Crédit : Spaceflight

Séquence de déploiement des satellites attachés à adaptateur. Crédit : Spaceflight

Troisième vol d’un premier étage de Falcon 9

Pour la toute première fois, un étage de fusée a décollé pour son troisième vol. Cet exploit on le doit à SpaceX qui a décidé de passer à l’étape suivante maintenant qu’ils ont réussi 17 vols avec un booster qui avait déjà volé une fois. Pour ce vol, c’est l’étage B1046 qui a repris son vol pour la troisième fois. Ce dernier a notamment participé au tout premier décollage de la Falcon 9 Block 5 en mai 2018 pour mettre en orbite Bangabandhu-1, puis au lancement du satellite Merah Putih en août 2018. Ils se passent donc 3 ou 4 mois entre deux réutilisations. Mais cette cadence pourrait être accélérée avec l’expérience qu’acquiert SpaceX. En effet, il est logique que ce booster ait pris relativement longtemps avant de revoler : il était le premier Block 5 et il était donc préférable de bien l’inspecter pour être sûr que tous les systèmes ont résisté au premier puis au deuxième vol.

Premier vol du booster B1046 : Bangabandhu-1. Crédit : SpaceX

Fait marrant, le B1046 est le premier étage à décoller de trois pas de tirs différents : Bangabandhu-1 a pris place au pas de tir 49A du Kennedy Space Center (KSC), Merah Putih depuis le pas de tir 40 de la base de lancement de Cape Canaveral (CCAFS) et SSO-A depuis le pas de tir 4 de la base l’Air Force de Vandenberg (VAFB). En effet, pour ce vol du 3 décembre, la Falcon 9 a décollé depuis Vandenberg, sur la côte Ouest des Etats-Unis. C’est ce pas de tir qui leur permet de mettre sur orbite polaire ou quasi-polaire des satellites étant donné que le Sud est dégagé contrairement aux pas de tirs de la côte Est (il y a Cuba juste au Sud).

Deuxième vol du booster B1046 : Mera Putih. Crédit : SpaceX

Etant donné son lieu de décollage et la masse de charge utile emportée, le booster B1046 aurait pu revenir se poser sur la zone d’atterrissage 4 juste à côté du pas de tir. Alors pourquoi avoir choisi de le faire atterrir sur la barge Just Read The Instructions (JRTI) au large dans le Pacifique ? Et bien tout simplement parce qu’un autre vol très important est en préparation à la base de Vandenberg. Ce vol c’est le lancement du satellite NROL-71 à bord d’une Delta IV Heavy (la même fusée qui avait lancée Parker Solar Probe en août). Ce satellite est pour le compte de l’Office National de Reconnaissance (NRO) des Etats-Unis. Il est donc trop dangereux de tenter un atterrissage à la base et ainsi prendre le risque qu’un système dysfonctionne et aille détruire ce précieux satellite secret. Effectivement, le hangar où est préparée cette Delta IV Heavy n’est qu’à 5,8km de la zone d’atterrissage 4. SpaceX avait cependant préparé les autorisations pour atterrir au sol au cas où son lancement était repoussé et que NROL 71 partait avant. Le lancement de SSO-A a bien été retardé mais celui de NROL-71 aussi. Au final SSO-A décolle le 3 décembre et NROL-71 est prévu pour le 7 décembre : impossible d’atterrir sur terre.

Le booster B1046 assemblé avec le reste de la Falcon 9 sur le pas de tir de Vandenberg pour son troisième vol : SSO-A. On notera toute la suie sur le premier étage, résultat de ces deux premiers vols. Crédit : SpaceX

Au final, avec ce vol SpaceX gravit une nouvelle marche vers la réutilisation avancée des lanceurs. D’ici quelques mois nous verrons sûrement d’autres boosters qui accomplissent leur troisième vol avec brio. Et SpaceX arrivera même très certainement à franchir l’étape suivante : la quatrième réutilisation. Il ne faut pas oublier que faire revoler un booster est encore assez récent. La première fois que le premier étage d’une Falcon 9 a volé pour la seconde fois c’était le 30 mars 2017 : il y a seulement une vingtaine de mois. SpaceX a depuis quasiment lancé un booster réutilisé tous les mois. Avec un peu de chance, cette même cadence ne tardera pas à s’appliquer aux troisièmes vols des boosters.

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BepiColombo, les instruments et les aspects techniques d’une mission hors du commun

vendredi, octobre 26th, 2018

Le groupe de BepiColombo pendant son encapsulation sous la coiffe d’Ariane 5. Crédit : ESA

La mission BepiColombo est formée principalement par deux orbiteurs : le MPO européen et le MMO japonais. Leurs objectifs sont différents mais ils partagent un but commun : celui de nous apprendre à mieux connaître la planète la plus proche du Soleil, Mercure. Cette mission a donc des objectifs sur des thèmes très divers :

-Formation et évolution de la planète: Déterminer comment s’est formée Mercure pour ultimement en apprendre plus sur les origines du système solaire ; déterminer comment Mercure a évolué depuis sa formation et améliorer notre connaissance sur l’évolution d’une planète proche de son étoile

-Structure du noyau et composition de la planète: En apprendre plus sur la structure interne de Mercure et notamment sur la proportion du noyau solide et celle du noyau liquide, en ayant préalablement vérifié la présence de ce dernier ; déterminer la composition chimique de Mercure qui semble être composée de fer de par sa densité et son champ magnétique mais n’en présente aucune trace lors d’analyses spectroscopiques

-Géologie de la surface et histoire des cratères: Déterminer si la planète est géologiquement active comme la Terre ou inactive comme Mars et le cas échéant si elle l’a été par le passé ; cartographier et dénombrer tous les cratères de Mercure

-Orbite: Utiliser la proximité du Soleil pour tester la théorie de la Relativité Générale d’Einstein, elle qui avait expliqué l’avance du périhélie de Mercure

-Magnétosphère: Déterminer comment est généré le champ magnétique de Mercure ainsi que la structure de celui-ci ; étudier les interactions entre le vent solaire et les différentes couches du champ magnétique mercurien afin de savoir si les phénomènes observables sur Terre se répètent là-bas (aurores polaires, ceintures de Van Allen, tempêtes de la magnétosphère, etc)

-Atmosphère: Etudier la structure, la formation et l’évolution de l’atmosphère de Mercure, très fine et très peu dense (composée uniquement d’une exosphère)

-Eau et glace: Déterminer si la glace à la surface de Mercure n’est composée que d’eau pure ou si elle est mélangée à d’autres matériaux ; mesurer l’éventuelle présence de molécules d’eau dans l’atmosphère mercurienne

-Environnement cosmique: Etudier in situ les poussières cosmiques laissées par les comètes dans l’espace interplanétaire et ainsi aider à mieux comprendre des processus se déroulant à proximité du Soleil comme les ondes de choc solaires, indétectables depuis la Terre

Equipement scientifique

Afin de réaliser tous ces objectifs divers, BepiColombo emporte un total de seize instruments scientifiques : onze sur le MPO et cinq sur le MMO. Ces instruments viennent de différents endroits d’Europe mais aussi du Japon pour quatre des cinq instruments à bord du MMO. Ces instruments, les voici :

-BELA: Pour BepiColombo Laser Altimeter, BELA est un altimètre laser. Il mesure avec une grande précision l’altitude d’un certain point sur la surface de Mercure afin de réaliser une carte topographique de la surface. BELA utilise un laser infrarouge d’une longueur d’onde de 1064nm et envoie des impulsions toutes les 0,1 secondes. 5 millisecondes après chaque émission, le rayon est reçu à nouveau par l’instrument grâce à un télescope de type Cassegrain (deux miroirs dont un percé en son centre et dont les axes optiques coïncident afin d’obtenir une image non pivotée) de 20cm de diamètre et d’ouverture f/5. Par rapport à la trace au sol de l’orbiteur, le faisceau laser est émis tous les 250m en latitude et chaque nouvelle orbite cause un décalage de 6km à l’équateur. Cet instrument a été fourni par l’Université de Berne en Suisse et l’Institut pour la recherche planétaire de la DLR, l’agence spatiale allemande, et est installé sur le MPO. Il pèse 12kg et consomme 36W d’électricité.

Instrument BELA. Crédit : ESA

-MPO-MAG: Le MPO-MAG fait partie de la suite de magnétomètre MERMAG (Mercury Magnetometer) dont fait également parti MMO-MGF à bord du MMO. MPO-MAG est situé au bout d’un mât sur le MPO. Cet instrument est constitué de deux magnétomètres positionnés à des distances différentes de la sonde afin de pouvoir mesurer le bruit parasite généré par les courants électriques et les aimants à bord de l’orbiteur. Ces deux magnétomètres ont une fréquence d’échantillonnage de 128Hz qui peut être réduite à 0,5Hz sur commande. Ils peuvent mesurer un champ magnétique sur une plage variable de ± 2000nT (nanoTeslas, l’unité représentant la densité de flux magnétique) avec une résolution de 2pT. Cet instrument a été développé par l’Université technique de Brunswick en Allemagne.

Instrument MPO-MAG. Crédit : ESA

-ISA: Cet instrument nommé ISA pour Italian Spring Accelerometer est un accéléromètre 3-axes qui a pour but de mesurer les forces appliquées sur la sonde par le rayonnement solaire dans le visible et par le rayonnement infrarouge émis par Mercure. Combiné aux différents appareils de détermination de l’orientation du MPO, cet accéléromètre joue un rôle très important dans le bon fonctionnement de l’instrument MORE. ISA a une résolution de 10nm/s², pèse 5,8kg et consomme entre 7,4 et 12,1W d’électricité. Il a été fourni par l’Institut d’astrophysique et de planétologie spatiale de Rome (IAPS).

Instrument ISA. Crédit : ESA

-MORE: Mercury Orbiter Radio-science Experiment est une expérience de radio-science emportée pour mesurer la gravité de Mercure et en déduire la taille et l’état physique du noyau de la planète. Grâce à ces informations, les scientifiques du monde entier pourront bénéficier d’un modèle de Mercure très fidèle et ainsi procéder à des études sur la théorie de la gravité avec une précision encore jamais vue. MORE permettra aussi de mesurer la précision du système de détermination de la position du MPO. En effet MORE va utiliser les données d’autres instruments comme ISA, BELA et SIMBIO-SYS afin de connaître avec la plus grande certitude et la plus fine résolution sa position et son orientation. Afin de réaliser tous ces objectifs, MORE va capter le signal émis depuis la Terre grâce à une antenne en bande Ka. En mesurant le temps qu’a mis le signal pour arriver, il est possible de calculer la distance séparant la sonde du segment sol sur Terre avec une précision de 15cm et une vitesse relative avec une résolution de 1,5µm/s pour un temps d’intégration de 1000s. Cet instrument a été développé par l’Université de Rome « La Sapienza ».

-MERTIS : Le spectromètre imageur infrarouge MERTIS (Mercury Radiometer and Thermal Infrared Spectrometer) va fournir des données sur la composition géologique de la surface de Mercure. Pour ce faire, il utilise un spectromètre et un radiomètre. Le premier va permettre d’obtenir les différentes longueurs d’onde émises par le rayonnement thermique de la planète sur une plage de longueur d’onde de 7 à 14µm. Le radiomètre va, quant à lui, fournir des mesures sur l’intensité du flux de rayonnement électromagnétique, soit la puissance de rayonnement reçu par un angle solide. Ce second instrument peut mesurer les longueurs d’onde sur une plage de 7 à 40µm. Les deux capteurs formant MERTIS ont chacun une résolution spectrale de 9nm et un champ de vision de 4°. Ils se basent sur la technologie des micro-bolomètres afin de faire leurs mesures : la lumière incidente vient chauffer une plaque métallique qui est relié à un puits thermique pour la refroidir et en mesurant la modification de température de la plaque, on peut calculer la puissance du rayon incident et ensuite remonter jusqu’à sa longueur d’onde. MERTIS établira une carte minéralogique de 5 à 10% de la surface mercurienne avec une précision spatiale de 500m. Il pèse 3,3kg, consomme 8 à 13W et a été fourni par l’Université de Münster et la DLR. MERTIS est situé sur l’orbiteur MPO.

Instrument MERTIS. Crédit : ESA

-SERENA : SERENA, pour Search for Exospheric Refilling and Emitted Natural Abundances, est un instrument composé de quatre détecteurs de particules neutres et ionisées. Les données recueillies permettront d’en apprendre plus sur les interactions magnétosphère/exosphère/surface et vent solaire/espace interplanétaire. Le premier des quatre détecteurs est ELENA (Emitted Low-Energy Neutral Atoms) qui va mesurer la présence de particules neutres. Il a un champ de vision de 4,5° par 76°, une résolution angulaire de 4,5° par 4,5° et peut détecter des particules ayant une énergie de 20 à 5000eV. Le deuxième détecteur est STROFIO (Start from a Rotating Field mass spectrometer). C’est un spectromètre de masse qui va déterminer la composition des gaz présents dans l’exosphère de Mercure. Il analyse les particules neutres ayant une énergie inférieure à 1eV et il a un champ de vision de 20° dans le sens de déplacement de l’orbiteur. Le détecteur suivant est MIPA (Miniature Ion Precipitation Analyser) qui va étudier les ions dont l’énergie est comprise entre 15 et 15 000eV et qui sont précipités vers la surface de la planète. Enfin, le dernier détecteur de SERENA est PICAM (Planetary Ion Camera). Il s’agit d’un autre spectromètre de masse qui va analyser les ions d’une énergie de 1 à 3000eV qui sont projetés de la surface mercurienne jusqu’à son exosphère. SERENA a été développé l’IAPS de Rome et est placé sur le MPO.

Instrument SERENA avec STROFIO en haut à gauche, MIPA en haut à droite, ELENA en bas à gauche et PICAM en bas à droite. Crédit : ESA

-SIMBIO-SYS: Le spectromètre imageur SIMBIO-SYS (Spectrometer and Imagers for MPO BepiColombo Integrated Observatory System) fournit des données sur l’activité géologique, le volcanisme, la tectonique et l’âge de la surface de Mercure. L’instrument développé par l’Observatoire astronomique de Padoue en Italie est en fait composé de trois imageurs : STC, HRIC et VIHI. STC (Stereo Channel) est une caméra disposant de deux capteurs afin de fournir des images 3D de la surface. Sa résolution spatiale est de 50m par pixel et son champ de vue est de 4°. Les images sont prises dans quatre bandes de longueurs d’onde pour avoir une image panchromatique : 550, (650), 700 et 880nm. STC permettra de dresser la topographie de la surface mercurienne. HRIC (High spatial Resolution Imaging Channel) est une caméra à haute résolution spatiale afin d’obtenir des images très précises de cibles présélectionnées. Son champ de vision est de seulement 1,47° mais sa résolution spatiale atteinte 5m par pixel. Ses images sont prises dans les mêmes bandes de longueur d’onde que STC et il a été annoncé qu’à l’issue de la mission BepiColombo, plus de 10% de la surface de Mercure aura été imagée par HRIC. Le dernier imageur de SIMBIO-SYS est le spectromètre VIHI (Visible Infrared Hyperspectral Imaging Channel). Celui-ci travaille dans le spectre visible et le proche infrarouge (longueurs d’onde de 400 à 2000nm) et a une résolution spatiale de 100m tandis que sa résolution spectrale est de 6,25nm. VIHI fournira ainsi une carte minéralogique de Mercure avec une résolution minimale de 400m. Les trois instruments de SIMBIO-SYS sont placés à bord du MPO.

Instrument SIMBIO-SYS. Crédit : ESA

-PHEBUS : PHEBUS (Probing of Hermean Exosphere By Ultraviolet Spectroscopy) est un spectroscope ultraviolet qui va étudier le rayonnement émis par l’exosphère en observant directement au-dessus de l’horizon de Mercure. Ce spectroscope contient une partie optique composée de deux ensembles de réseau de diffraction et de deux capteurs pour couvrir une grande plage de la lumière ultraviolette. Le rayonnement incident à observer est réfléchi sur un déflecteur qui peut pivoter à 360° afin de modifier le pointage de l’instrument et donc de changer le lieu et l’altitude d’observation. Le premier spectroscope permet d’observer des longueurs d’onde sur une plage de 55 à 155nm et le second sur une plage de 145 à 315nm ainsi que les longueurs d’onde 404 et 422nm. Leur résolution spectrale est de 1nm et les mesures fournies permettront de mieux comprendre les interactions entre la surface, l’exosphère et la magnétosphère. Cet instrument situé à bord du MPO a été fourni par le Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS) français et l’Institut de recherche spatiale de l’Académie des Sciences de Russie (IKI RAN).

Instrument PHEBUS. Crédit : ESA

-MIXS: Le spectromètre ultraviolet MIXS (Mercuring Imaging X-ray Spectrometer) va exploiter le phénomène de fluorescence des rayons X pour déterminer la composition chimique de la surface de Mercure. Ce phénomène peut s’expliquer de la manière suivante : Lorsque des rayons X du rayonnement solaire atteignent la surface de la planète, certains électrons des couches électroniques K et L vont s’exciter. En se désexcitant, ils vont émettre un photon ultraviolet caractéristique de l’élément chimique hôte de l’électron. Ainsi MIXS, avec ses deux capteurs MIXS-T, haute résolution mais champ de vision réduit à 1°, et MIXS-C, champ de vision de 10° mais résolution plus faible, va capter les photons émis par fluorescence sur une plage énergétique de 0,5 à 7,5keV soit des longueurs d’onde de 248nm à 16,5nm. Grâce à ces données, MIXS pourra ensuite déterminer l’abondance de différents atomes légers dans les roches comme le magnésium, l’aluminium, le fer, le titane et le silicium. La précision de cet appareil est de 5 à 50% suivant l’abondance des éléments. Cet instrument est fourni par l’Université de Leicester au Royaume-Uni et est placé sur le MPO.

Instrument MIXS. Crédit : ESA

-SIXS : SIXS (Solar Intensity X-ray and particles Spectrometer) est un instrument constitué de deux capteurs qui vont mesurer in situ le spectre du rayonnement X sur une plage énergétique comprise entre 1 et 20keV mais aussi les protons sur une plage de 0,33 à 30MeV et les électrons compris entre 50 et 3000keV. Cet instrument peut mesurer jusqu’à 20 000 particules et photons par seconde grâce à son large champ de vision de 180°. L’objectif de SIXS est de mesurer le flux du rayonnement issu du Soleil mais aussi celui réfléchi par Mercure. SIXS a été développé par l’Université de Helsinki en Finlande. Cet instrument permettra également de calibrer MIXS et les noms MIXS et SIXS ne sont pas que des acronymes mais signifient également « pourquoi ? » et « voilà pourquoi ! » en finnois.

Instrument SIXS. Crédit : ESA

-MGNS : Le spectromètre à neutrons et à rayons gamma MGNS (Mercury Gamma-ray and Neutron Spectrometer) doit permettre, dans un premier temps, de préciser et vérifier la composition chimique de toute la surface de Mercure avec une précision de 0 à 30% et une résolution spatiale de 400km. Un second objectif de MGNS est de fournir la distribution des éléments volatils qui se seraient déposés dans les cratères des pôles, toujours à l’ombre. Ainsi, le spectromètre fournira une carte de la densité spatiale de ces dépôts avec une précision de 0,1g/cm² et une résolution spatiale de 400km. Il confirmera ou infirmera également la présence de glace d’eau aux pôles. Afin de réaliser ces mesures, MGNS se base sur l’interaction entre les atomes des couches superficielles du sol (jusqu’à 2m de profondeur) avec les neutrons des rayons cosmiques. Excités, les atomes vont ensuite émettre des rayons gamma caractéristiques de l’atome en question. De plus, MGNS pourra détecter des traces de potassium, de thorium et d’uranium qui produisent des rayons gamma naturellement. Cet instrument est composé de cinq détecteurs : MGRS (Mercury Gamma-Ray Spectrometer) un spectromètre à rayons gamma qui utilise un scintillateur au bromure de lanthane (LaBr3) pour produire de la lumière plus facilement exploitable à partir des rayons gamma ionisants, et MNS (Mercury Neutron Spectrometer) constitué de quatre détecteurs de neutrons utilisant des compteurs proportionnels à gaz à l’Helium-3 et qui peuvent mesurer très précisément une faible quantité de rayonnement ionisant en mesurant un courant électrique généré par ce rayonnement dans une chambre remplie d’Helium-3 grâce à l’ionisation de cet élément chimique. Cet instrument a été fourni par l’IKI RAN de Moscou et placé à bord du MPO. Il pèse 5,5kg et consomme 6,5W d’électricité.

Instrument MGNS. Crédit : ESA

-MMO-MGF: Cet instrument MMO-MGF (MMO Magnetometer Fluxgate) comprend deux magnétomètres triaxiaux : MGF-O (outboard) situé au bout d’un mât de 4,4m nommé MAST-MGF et MGF-I (inboard) situé à 1,6m du bout de ce même mat. Ainsi, comme pour MPO-MAG, les deux magnétomètres permettront d’isoler le bruit parasite des systèmes de la sonde. Ces deux magnétomètres pourront mesurer un flux magnétique sur une plage dynamique de ± 2000nT avec une résolution de 3,8pT et une fréquence d’échantillonnage de 128Hz. Cet instrument complète le magnétomètre emporté à bord du MPO : MPO-MAG. MMO-MGF a été fourni par l’Institut de recherche spatiale de Graz en Autriche.

Instrument MGF-O de l’expérience MMO-MGF. Crédit : ESA

-MPPE : MPPE (Mercury Plasma and Particle Experiment) est un détecteur de plasma, de particules à haute énergie et d’atomes énergétiques neutres. Il permettra d’étudier les interactions entre le vent solaire et la magnétosphère de Mercure. Pour ce faire, MPPE est composé de sept détecteurs : Les MEA 1 et 2 (Mercury Electron Analyzers) montés à 90° l’un de l’autre et qui étudient les électrons tout comme HEP-electron (High Energy Particle instrument for electron). Les détecteurs MIA (Mercury Ion Analyzer), MSA (Mercury mass Spectrum Analyzer) et HEP-ion (High Energy Particle instrument for ion) sont chargés d’étudier les ions. Enfin le capteur ENA (Energetic Neutrals Analyzer) détecte et mesure les particules énergétiques neutres produites lors de la fusion entre des ions et des électrons. L’instrument MPPE a été fourni par l’ISAS situé à Kanagawa au Japon et est maintenant à bord du MMO.

Plage de mesure de MPPE et comparaison avec les instruments des sondes Mariner 10 et MESSENGER. Crédit : ESA

-MDM : Le MDM (Mercury Dust Monitor) est un détecteur de poussières qui va quantifier et étudier ces dernières pour obtenir des informations sur les caractéristiques de celles-ci au niveau de l’orbite de Mercure. Grâce à quatre détecteurs, MDM va mesurer l’énergie d’impact, une direction approximative et la densité de présence de ces poussières dans l’espace interplanétaire. Chacun de ces détecteurs est un capteur piézoélectrique en céramique PZT (Titano-Zirconate de Plomb) de 40mm par 40mm. Lorsque qu’une certaine pression est appliquée sur ces capteurs (ici, lorsqu’une poussière les percute) la céramique produit une légère tension entre ces deux faces, qui dépend de la pression appliquée. La sensibilité de ces capteurs est de 1pg.km/s (cela signifie que pour être détectée, la poussière doit avoir une quantité de mouvement p=mv supérieure à 1pg.km/s). MDM peut quasiment étudier un hémisphère entier et il est estimé que 100 à 200 impacts par an (terrestre) seront enregistrés. Cet instrument placé sur le MMO a été fourni par l’Université de technologie de Chiba au Japo. Au total, cet instrument pèse 601g et consomme 3W maximum.

Agencement des plaques piézoélectriques du MDM. Crédit : ESA

-MSASI : MSASI (Mercury Sodium Atmospheric Spectral Imager) est un spectromètre qui doit mesurer très spécifiquement la raie D2 du spectre d’émission du sodium (589nm ± 0,028) à la surface de Mercure. En effet cette raie présente une distribution anormale et encore inexpliquée. Afin de réaliser ses mesures, MSASI dispose d’un interféromètre de type Fabry-Perot fourni par l’université de Tokyo au Japon et d’un miroir rotatif pour couvrir toute la surface de la planète. Cet appareil a une résolution spectrale de 0,009nm et une résolution spatiale de 3 à 30km. Il pèse 3,48kg et consomme 15,2W d’électricité.

Types de mesures qu’effectuera MSASI. Crédit : ESA

-PWI : L’instrument PWI (Plasma Wave Invesitgation) est constitué de deux types de détecteurs de champ électrique (MEFISTO et WPT) et de deux détecteurs de champ magnétique (LF-SC et DB-SC) qui vont mesurer la forme des ondes et la fréquence du champ électrique jusqu’à 10MHz et du champ magnétique de 0,1Hz à 640kHz. Les appareils MEFISTO (Mercury Electric Field In Situ Tool) et WPT (Wire Probe antenna) sont deux antennes de 32m déployées de part et d’autre de l’orbiteur MMO (16m d’un côté et 16m de l’autre) et à un angle de 90° l’une de l’autre. Les capteurs LF-SC (Low-Frequency Search Coils) et DB-SC (Dual-Band Search Coils) sont placés au bout du mât de 4,4m, MAST-SC, placé à l’opposé du MAST-MGF où se trouve les magnétomètres MMO-MGF. Cet instrument a été développé et fourni par l’Université de Tōhoku au Japon.

Caractéristiques techniques de BepiColombo

BepiColombo est composé de quatre parties bien distinctes : deux sondes, un étage de transfert et une jupe protectrice.

MPO

La première des sondes et la plus grosse et chargée est le MPO pour Mercury Planetary Orbiter. Cette sonde a été développée par l’ESA et sera placée sur une orbite polaire elliptique autour de Mercure. Son apoapside sera à 1500km et son périapside à 480km ce qui lui permet d’effectuer une révolution en 2 heures et 21 minutes. La masse de cet orbiteur est de 1230kg dont 669kg d’ergols liquides et 85kg de charge utile. Cette charge utile est représentée par les onze expériences portées par le MPO : BELA, MPO-MAG, ISA, MORE, MERTIS, SERENA, SIMBIO-SYS, PHEBUS, MIXS, SIXS et MGNS. Tous ces instruments produiront un volume de données de 1550 gigabits par an. La sonde mesure 2,4m de large, 2,2m de profondeur et 1,7m de hauteur. Il possède un panneau solaire de 7,5m de long composé de trois panneaux. Celui-ci a une surface totale de 8m² et produit une puissance moyenne de 1800W. Afin de limiter la température de ce panneau à 215°C, il a été recouvert de réflecteurs solaires optiques mais également orienté d’une manière à ne jamais être face aux rayons solaires.

Répartition des instruments scientifiques à bord du MPO. Crédit : ESA

Le MPO possède un système de contrôle d’attitude formé par quatre roues de réaction et deux ensembles redondants de quatre moteurs-fusées d’une poussée de 10N. Afin de déterminer l’orientation de l’orbiteur, ce dernier est équipé de trois viseurs d’étoiles, de deux senseurs solaires (similaire aux viseurs à étoile mais qui utilisent le soleil pour se repérer) et deux centrales à inertie équipées chacune de quatre accéléromètres et quatre gyroscopes. Les corrections de trajectoire sont réalisés par deux ensembles redondants de quatre moteurs-fusées d’une poussée unitaire de 22N. Tous les propulseurs du MPO utilisent un mélange d’hydrazine et MON-3 (mélange de 97% de peroxyde d’azote et de 3% de monoxyde d’azote).

Photo de certains des moteurs de contrôle d’attitude du MPO. Crédit : ESA

La télécommunication avec le MPO est assurée par une antenne grand gain orientable en bande X et Ka de 1m de diamètre. Cette antenne est déployée peu de temps après le décollage afin d’assurer une communication la plus puissante possible. L’orbiteur possède cependant également une antenne moyen gain orientable et deux antennes faible gain fixes.

Antenne haut gain du MPO déployée peut après le lancement. Crédit : ESA

La sonde MPO sera soumise à un régime thermique particulièrement intense. En effet, à 0,3UA du Soleil, le rayonnement échauffe les surfaces de l’orbiteur à plus de 400°C à cause d’un flux thermique 10 fois plus important qu’en orbite terrestre. A cela, vient s’ajouter le rayonnement infrarouge de Mercure, 20 fois plus important que ce peut ressentir un satellite en orbite basse terrestre. Pour faire face à ce problème le corps du MPO est recouvert de trois couches d’isolant thermique. La couche extérieure, fabriquée par Airbus, est une superposition de près 50 fines feuilles de céramique et d’aluminium ce qui rend le matériau résistant sans dégradation à des températures jusqu’à 450°C. La couche intermédiaire est moins résistante avec une tenue jusqu’à 250°C. Enfin, la couche interne est une couche de protection thermique standard. Les trois couches de protection sont espacées de 2cm chacune afin d’amortir le choc d’éventuelles micrométéorites.

Coutures finales de l’isolation thermique multi-couches du MPO. Crédit : ESA

Cependant afin de dissiper les 300W de chaleur entrante et les 1200W générés par l’électronique, une face du MPO a été transformée en radiateur. Un réseau de 97 tubes sert de transport à la chaleur pour ensuite être évacuée par le radiateur fabriqué en titane recouvert d’argent. Cette face ne voit jamais le Soleil mais peut être attaqué par le rayonnement infrarouge de Mercure. Les lamelles sont donc disposées d’une telle sorte que le rayonnement émis par la planète soit réfléchi afin de ne pas chauffer la sonde.

Photo du radiateur thermique du MPO. Crédit : ESA

MMO

Le petit orbiteur MMO (Mercury Magnetospheric Orbiter), renommé Mio ce qui signifie « voie d’eau navigable » en japonais et représente ici le chemin parcouru par le projet, a été développé par la JAXA, l’agence spatiale japonaise, afin d’étudier la magnétosphère mercurienne. Pour ce faire, le MMO dispose de cinq instruments scientifiques qui comptent pour 40kg de la masse de la sonde : MMO-MGF, MPPE, MDM, MSASI et PWI. Ils produiront un total de 100 gigabits de données par an. Cet orbiteur sera placé sur une orbite polaire très elliptique avec un apoapside à 11640km et un périapside à 590km. Ainsi le MMO réalisera une orbite en 9 heures et 17 minutes. Il a la forme d’un prisme octogonal de 0,9m de hauteur et 1,8m de diamètre. Il pèse au total 275kg et ne possède que de peu de gaz froid pour contrôler son attitude. Ainsi, il sera mis en rotation à 15 tours par minute suivant un axe parallèle à l’axe de rotation de Mercure. Ceci permet que les deux extrémités du prisme ne soient jamais exposées au Soleil.

Répartition des instruments scientifiques à bord du MMO. Crédit : ESA

Les données du MMO sont transmises par une antenne grand gain situé sur la face du dessus. Cette antenne parabolique de 80cm de diamètre transmet les données en bande X avec un débit de 16 kilobits par seconde, soit environ 350 mégabits par séance de 6h par jour. La sonde dispose d’une mémoire interne de 2Go (soit 16 gigabits) pour stocker les télémesures et les données scientifiques entre deux sessions radio. Le MMO possède également une plus petite antenne à moyen gain, fixe. La partie supérieure des parois de l’octogone formant la sonde est recouverte de panneaux solaires et de miroirs afin de limiter la chaleur comme pour le MPO. Ceux-ci produisent 350W de puissance électrique afin d’alimenter tous les systèmes internes dont les 53W des instruments scientifiques.

Intégration entre les orbiteurs MPO et MMO. Crédit : ESA

MOSIF

Pendant toute la durée du voyage jusqu’à Mercure, l’orbiteur MMO est protégé dans une jupe pare-soleil qui sert également d’interface entre la sonde japonaise et la sonde européenne : le MOSIF, Magnetospheric Orbiter Sunshield and Interface Structure. Cette jupe mesure 3m de diamètre et 1,8m de haut. Elle pèse 145kg dont 20kg pour le système d’éjection et de mise en rotation du MMO. Sa protection thermique est extrêmement similaire à celle du MPO.

Photo de la jupe de protection solaire MOSIF. Crédit : ESA

MTM

Afin de transporter les deux sondes vers Mercure, BepiColombo utilise un étage de transfert : le MTM pour Mercury Transfer Module. Ce dernier pèse 2645kg dont 587kg de xénon (environ 10% de la production mondiale annuelle) et 157kg d’ergols chimiques. Il mesure 3,7m de large, 3,5m de profondeur et 2,3m de haut ce qui en fait la pièce la plus volumineuse de la mission. En plus de son volume très important viennent s’ajouter deux énormes panneaux solaires de 14m de longueur chacun. Ils peuvent ainsi produire une puissance d’environ 13kW d’électricité. Toute cette puissance ne sert quasiment qu’à une chose : le propulsion électrique MEPS.

Photo d’un deux panneaux solaires du MTM déployé en orbite. Crédit : ESA

 

Le système MEPS (MTM Electric Propulsion System) est constitué de quatre moteurs ioniques à grille. La manière dont fonctionnent ces moteurs est assez simple : Du xénon est injecté dans la chambre du moteur où il est ionisé avant que les noyaux des atomes ne soient accélérés par de grand électroaimant. Ce système est extrêmement pratique de par son efficacité encore inégalée : L’impulsion spécifique (qui mesure l’efficacité d’un moteur) des moteurs du MEPS est comprise entre 3958 et 4285 secondes contre seulement 453 secondes pour le moteur cryotechnique RS-25, le moteur à ergols liquides le plus efficace actuellement. Cependant ces moteurs ne produisent une poussée unitaire que de 145mN (contre 2279kN pour le RS-25). En faisant varier la puissance électrique, on peut moduler la poussée : Ainsi une puissance de 2,5kW fournira 75mN de poussée et 4,6kW fourniront 145mN.

Grâce aux 587kg de xénon qu’emporte le MTM, ce dernier aura un delta-V de 5 400m/s. Chacun de ces quatre moteurs peut être orienté précisément afin d’orienter BepiColombo comme souhaité. Dans le mode d’utilisation normale du MTM, seuls deux des quatre moteurs ioniques ne sont utilisés en même temps. Pendant toute la mission, le MEPS doit fonctionner pendant 880 jours répartis sur plus de 25 phases propulsives dont la plus longue dure 167 jours. 30 jours avant chaque survol planétaire, le MEPS est désactivé afin de ne pas perturber l’assistance gravitationnelle. Les quatre moteurs de ce système sont fournis par QinetiQ, le constructeur anglais qui avait notamment déjà fourni ceux du satellite européen GOCE.

Un des panneaux solaires du MTM déployés au sol pour des tests. Remarquez que malgré un objectif fish-eye, il rentre difficilement dans l’image. Crédit : ESA

Les panneaux solaires du MTM peuvent être pointés directement vers le Soleil lorsque la distance les séparant est inférieure à 0,62UA. En deçà, l’énergie du rayonnement solaire devient trop importante et les panneaux solaires atteignent des températures les dégradant. Pour pallier à ce problème, ils sont inclinés progressivement afin de limiter la surface en contact direct avec le rayonnement. Cependant, pour conserver une puissance nécessaire au bon fonctionnement du MEPS, ces panneaux ont dû être agrandis, d’où leur surface de 45m².

Pour en apprendre plus sur la chronologie de la mission que ce soit sur son développement ou sur son déroulement, vous n’avez qu’à aller lire ce second article sur l’histoire passée et future de BepiColombo.

Si vous voulez voir plein de magnifiques images de la mission, que ce soit du décollage, de sa fabrication ou même plus tard, celles prises prise par les sondes, allez voir la galerie de l’ESA.

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BepiColombo, l’histoire d’une mission très ambitieuse

mercredi, octobre 24th, 2018

Mercure. La planète la plus proche du Soleil. Cette dernière nous est encore très mystérieuse. Seules deux sondes spatiales l’ont explorée : Mariner 10 qui l’a survolé trois fois en 1974-75 puis MESSENGER qui s’est mis en orbite polaire de 2011 à 2015. Ces deux missions étaient très innovantes et représentaient des pionnières de l’exploration spatiale. Malheureusement elles n’ont jamais permis d’étudier pleinement Mercure et ce pour plusieurs raisons. Pour Mariner 10 c’est la résonance spin-orbite 3:2 qui posa problème. Cette résonance signifie que la planète réalise trois rotations sur elle-même quand elle fait deux révolutions autour du Soleil. De par cette résonance, Mariner 10 n’a pu voir éclairées que les mêmes zones de Mercure et n’a donc pas pu cartographier l’entièreté de la planète. Pour MESSENGER ce problème était inexistant puisque la sonde s’était placée en orbite polaire de Mercure et non pas sur une orbite héliocentrique. Cependant, pour éviter de surchauffer, il avait été décidé que la sonde soit sur une orbite très elliptique. Ainsi la chaleur réfléchie et émise par la surface de la planète n’attaquait pas la sonde lorsque cette dernière se trouvait à son apoapside. Cependant, cet apoapside se trouvait plutôt vers le pôle Sud de Mercure, ce qui empêcha MESSENGER de cartographier cette partie de la planète correctement.

Schéma de la première sonde à survoler Mercure : Mariner 10. Crédit : NASA

BepiColombo a été lancée le 20 octobre à 3h45 CEST afin d’aller explorer cette planète encore trop méconnue. Et pour ce faire, la mission n’emporte pas une mais bien deux sondes et pas moins de seize instruments scientifiques pour étudier entièrement Mercure : de l’origine de la planète à l’étude de sa fine atmosphère en passant par des mesures de son champ magnétique et même une étude poussée de l’orbite de la planète permettant d’encore tester la théorie de la Relativité Générale d’Einstein. Cette mission conjointe entre l’ESA, l’agence spatiale européenne, et la JAXA, l’agence d’exploration aérospatiale japonaise, devrait durer au minimum huit ans et pourrait être allonger d’un an. Cependant, sur toute cette durée, il ne faut pas oublier de compter sept ans de voyages pour rejoindre Mercure avec pas moins de neuf assistances gravitationnelles de la Terre, de Venus et de la planète principale en elle-même, Mercure.

L’histoire du projet

Dès le milieu des années 1980, l’ESA envisage d’envoyer une sonde à destination de Mercure pour l’étudier. Dans cette même décennie, la mission Mercury Express (en référence à Vénus Express et Mars Express, deux autres missions d’exploration de l’ESA), plus connue sous le nom de LUGH, Low-cost Unified Geophysics at Hermes (Hermes étant le nom du dieu grec qui est devenu Mercure chez les romains et qui a donc donné son nom à la planète en question), est imaginée. Celle-ci prévoyait le lancement d’un vaisseau-mère qui se chargerait d’emporter deux mini-sondes jusqu’à Mercure. LUGH ne sera cependant pas retenu car ses objectifs se superposent à ceux de MESSENGER, la sonde américaine développée en même temps dans le cadre du programme Discovery.

Vue d’artiste de la sonde américaine MESSENGER en orbite de Mercure. Crédit : NASA

Quelques années plus tard, en 1996, le comité scientifique de l’ESA annonce les prochaines missions lourdes qu’il a choisi pour son programme Horizon 2000+. Celles-ci sont LISA, mesures des ondes gravitationnelles grâce à deux satellites, Gaia, un observatoire spatial qui fournit des données très importantes sur l’ensemble du ciel, et enfin une mission d’exploration de Mercure. L’année qui suit, une étude détaillée de cette dernière mission est réalisée et on en conclut qu’il faudra deux véhicules distincts : un orbiteur stabilisé sur trois axes pour étudier la surface et un orbiteur spinné (en rotation sur lui-même) pour mesurer les champs magnétique et électrique. Ces deux véhicules devront également avoir recours à la propulsion électrique afin d’atteindre la planète. Cette mission européenne doit permettre d’effectuer des études beaucoup plus approfondies que la sonde américaine MESSENGER mais aussi de compléter la cartographie et les relevés topographiques qui doivent être réalisés par cette dernière. En septembre 1999, il est décidé de baptiser cette mission BepiColombo, en l’honneur du scientifique italien Guiseppe « Bepi » Colombo qui a permis aux ingénieurs de la NASA, grâce à ses calculs, de réaliser plusieurs survols de Mercure avec Mariner 10.

Photo de Guiseppe Colombo, le scientifique qui a donné son nom à la mission BepiColombo. Crédit : ESA

Pendant cette même période, de l’autre côté de la Terre, l’Institut des sciences spatiales et astronautiques japonais, l’ISAS qui a plus tard donné la JAXA avec deux autres organismes, étudie également la possibilité d’envoyer une sonde à destination de Mercure. Celle-ci doit être lancée par une fusée nipponne H-IIA en 2005 pour arriver sur son lieu d’étude en 2008 où elle serait mise sur orbite polaire elliptique. Le but de cette sonde est d’étudier les champs magnétique et électrique ainsi que les particules du vent solaire. Au tout début du XXIème siècle, les projets européens et japonais fusionnent et il est décidé que l’ISAS développera l’orbiteur spinné de BepiColombo : La mission n’est plus simplement internationale, elle devient intercontinentale !

L’orbiteur japonais MMO en cours de fabrication au Japon. Crédit : JAXA

Dans les plans initiaux de BepiColombo, un atterrisseur était présent. Celui-ci, nommé Mercury Surface Element, MSE, devait se poser au niveau des régions polaires, non loin du terminateur (séparation entre la nuit et le jour sur un corps céleste) afin de limiter les contraintes thermiques. Il devait peser 44kg pour un diamètre de 90cm et une masse d’instruments scientifiques de 7kg dont des caméras de descente et de surface, un spectromètre à rayons X, un magnétomètre, un sismomètre et plusieurs autres instruments destinés à des mesures sur les propriétés thermiques et mécaniques du sol. Certains de ces derniers nécessitent un dispositif d’ancrage au sol mais aussi un moyen de les placer à plusieurs mètres du MSE pour ne pas parasiter les données, par exemple dans le cas du magnétomètre à cause des systèmes électriques du robot. A cause de l’atmosphère de la planète beaucoup trop ténue, l’atterrisseur doit recourir à des rétrofusées ce qui impacte de manière importante la masse d’ergols à emporter. Ces moteurs doivent amener le MSE à une vitesse nulle à 120m d’altitude avant de déployer une série de coussins gonflables qui doivent le protéger au moment de l’impact à une vitesse maximale de 30m/s. Cette technique sera utilisée quelques années plus tard par la NASA pour faire atterrir son rover Opportunity à la surface de Mars. L’atterrisseur MSE doit posséder une batterie de 1,7kWh afin de l’alimenter en électricité pendant sa mission de sept jours. Au final, la complexité d’un tel atterrisseur, les contraintes thermiques à la surface, les limites de masse de BepiColombo et les limites budgétaires de l’ESA à la suite des restrictions en 2003 contraignent à l’abandon du MSE.

Modèle 3D du projet d’atterrisseur MSE, plus tard abandonné. Crédit : ESA

Vient ensuite le temps de choisir le lanceur pour cette mission. Deux scénarios sont envisagés : Un premier qui vise à envoyer les deux sondes indépendamment grâce à deux lanceurs Soyuz qui décolleraient depuis Baïkonour, et un second, plus simple techniquement mais plus coûteux, dans lequel les deux sondes sont envoyées ensemble à bord d’une Ariane 5 tirée depuis Kourou. Avec le développement d’une nouvelle version de l’étage supérieur Fregat du lanceur Soyuz ainsi que la construction d’un pas de tir pour ce dernier en Guyane, ce qui augmentera ses performances grâce à l’effet de fronde, il est décidé de lancer les deux sondes à bord d’un Soyuz qui décollera depuis Kourou en 2013 afin d’arriver en orbite de Mercure en 2019. Initialement, BepiColombo est conçue pour tenir dans la coiffe du lanceur russe mais aussi pour ne pas dépasser 80% de la masse de charge utile maximale que peut mettre sur orbite ce dernier. Cependant, au fur et à mesure de l’avancée du projet, cette masse augmente dangereusement et le projet frôle l’annulation en 2008. Au final, il est décidé de tirer BepiColombo à bord d’une Ariane 5, ce qui augmente le coût du projet de 120 millions d’euros mais qui permet une charge utile bien plus lourde. En décembre 2009, le Comité du programme scientifique de l’ESA approuve la reconfiguration et un contrat avec Arianespace est signé en septembre 2011.

Photo du pas de tir de Soyuz à Kourou. Crédit : ESA

En 2007, l’ESA choisit Astrium Allemagne (devenu depuis Airbus Defence and Space) ainsi que Thales Alenia Space Italie pour le développement de la sonde européenne MPO (Mercury Planetary Orbiter) et de l’étage de transfert MTM (Mercury Transfer Module). Des études poussées montrent que les panneaux solaires ne pourront pas faire face à l’afflux thermique qu’ils vont subir : il faut fortement accroître leur surface ce qui fait monter la masse de la sonde à 4t et qui conforte le changement de lanceur pour passer de Soyuz à Ariane 5. Malgré un coût qui atteint 970 millions d’euros, l’ESA décide de continuer le projet. Plusieurs retards à la suite de problèmes principalement lors du développement du système complexe de propulsion solaire-électrique repoussent le lancement de la mission de 2014 à octobre 2018.

L’orbiteur MPO et l’étage de transfert MTM pendant un test dans le simulateur spatial. Crédit : ESA

En août 2011, Thales Alenia Space fournit à l’ESTEC, le Centre européen de technologie spatiale, un modèle thermique du MPO. Dès septembre de la même année des tests sur ce modèle débutent dans le LSS (Large Space Simulator, une grande chambre à vide permettant de recréer les conditions de l’espace) afin de vérifier la résistance de l’engin à des erreurs d’orientation dans des régions proches du Soleil. En décembre 2011 c’est au tour du Japon de livrer un modèle thermique de l’orbiteur spinné MMO (Mercury Magnetospheric Orbiter) à l’ESTEC qui subira les mêmes tests. Six mois plus tard, on commence les mesures de répartition des masses de la sonde entièrement assemblée. L’usine de Turin de Thales Alenia Space achève l’assemblage du modèle de BepiColombo qui servira aux qualifications finales et au vol en juillet 2014. Les modules sont ensuite livrés à l’ESTEC durant l’été 2015 pour y réaliser les tests finaux et s’assurer que ceux-ci n’auront pas de problèmes une fois dans l’espace. Et heureusement que ces tests ont été faits ! En effet, un problème majeur a été détecté dans un boîtier de régulation électrique du MTM. Cette défaillance a causé un des reports de lancement et a poussé les sondes à n’arriver vers Mercure qu’en décembre 2025. Pendant l’été 2017, les tous derniers tests sont réalisés à l’ESTEC en configuration de vol pour le trajet jusqu’à Mercure mais aussi après séparation des différents modules. Les quatre pièces formant BepiColombo ont ensuite été livrées à Kourou pour y être assemblées et intégrées à leur lanceur Ariane 5. Au final, le coût total du projet pour l’ESA et la JAXA s’élève à 1,65 milliards d’euros. Si vous pensez que ces dépenses sont bien trop grandes et inutiles, dites-vous que ce projet aurait pu être financé instantanément si chaque personne résidant en Union Européenne et au Japon donnait 2,60€. En comparaison, la France dépense l’équivalent de 861€ par habitant pour la défense chaque année.

Modèle de BepiColombo utilisé pour les tests thermiques. Celui-ci est aujourd’hui exposé au Science Museum de Londres. Crédits : @therogue_astro avec son accord

Déroulement de la mission

La mission BepiColombo est une des plus ambitieuses de l’histoire : près de sept ans de voyages et pas moins de neuf assistances gravitationnelles pour atteindre la planète aux conditions orbitales les plus rudes, Mercure. Ainsi, le 20 octobre 2018, à 3h45 CEST, une Ariane 5 décolle depuis le Centre Spatiale Guyanais à Kourou. Cette Ariane 5, c’est celle qui emporte BepiColombo dans sa coiffe. Deux minutes plus tard, les deux gigantesques étages d’accélération à poudre (EAP) sont vides et sont donc largués. A T+3 minutes du lancement, c’est au tour de la coiffe de devenir inutile et d’être larguée : pour la première fois, BepiColombo est en contact direct avec le vide de l’espace. Six minutes après cet évènement, l’étage principal cryogénique (EPC), vide, est séparé et c’est l’étage secondaire cryogénique (ESC-A) qui prend le relai sur la propulsion. A T+27 minutes, BepiColombo a atteint la trajectoire visée : Il est sur une trajectoire hyperbolique pour quitter la Terre avec 3km/s de supplément par rapport à la vitesse de libération de cette dernière. Moins d’un quart d’heure plus tard, l’antenne de l’ESA à New Norcia en Australie reçoit le signal de BepiColombo : Le lancement s’est déroulé parfaitement !

Décollage de BepiColombo. Crédit : ESA

74 minutes après le lancement, les deux gigantesques panneaux solaires du module de transfert (MTM) ainsi que le panneau de l’orbiteur européen (MPO) sont déployés. Une photo prise par une caméra positionnée sur le MTM et reçue 12h après le décollage viendra confirmer ce déploiement. Deux autres caméras apportent, de la même manière, des preuves visuelles du bon déploiement de l’antenne haut-gain du MPO ainsi que de son mât à expériences. L’antenne s’est déployée 29h30 après le décollage tandis que le mât a attendu 18h pour s’ouvrir. Enfin, trois jours après le décollage, les sous-systèmes du vaisseau et les instruments reçoivent une dernière vérification avant de démarrer la longue phase de croisière. A partir de ce moment, BepiColombo a déjà dépassé l’orbite lunaire depuis plus d’un jour et approche de sortir de la sphère d’influence terrestre : Cette sphère représente le lieu où la gravité terrestre est majoritaire sur celle de tout autre corps.

Les trois photos qui ont permis de confirmer le bon déploiement des panneaux solaires du MTM et de l’antenne grand gain et du mât du MPO. Crédit : ESA

Deux mois plus tard, le système de propulsion MEPS sera allumé pour la première fois. Les moteurs ioniques, en fonctionnement, vont ioniser du xénon pendant un total de 880 jours tout au long de la mission, répartis en plus de 25 phases propulsives. Les assistances gravitationnelles commenceront avec la première le 13 avril 2020 : BepiColombo passera à environ 11 200km de la Terre. Quelques mois plus tard, le 16 octobre 2020, ce sera au tour de Vénus de recevoir une visite de la sonde à moins de 11 000km d’altitude. Le 11 août 2021, BepiColombo passera à nouveau proche de cette planète mais cette fois à une distance de seulement 1 000km. S’en suivront ensuite six assistances de Mercure afin de modifier suffisamment l’orbite de BepiColombo pour minimiser le coût en carburant de l’insertion en orbite. Ces survols auront lieu le 2 octobre 2021 à 200km, le 23 juin 2022 à 200km, le 20 juin 2023 à 200km, le 5 septembre 2024 à 200km, le 2 décembre 2024 à 40 000km et enfin le 9 janvier 2025 à 345km.

A partir de cette dernière date, BepiColombo sera sur une trajectoire quasiment identique à celle de Mercure. Il ne suffira plus que d’une petite impulsion des moteurs chimiques du MPO pour se placer en orbite polaire autour de la planète. Mais avant cette insertion, l’étage de transfert MTM sera largué car devenu inutile, début octobre 2025. Le 5 décembre de la même année, les moteurs à propulsion liquide de l’orbiteur européen MPO seront allumés afin de se placer sur une orbite haute très elliptique (674km par 178 000km). Cette insertion sera réalisée à l’aide d’une méthode connue sous le nom anglais de « weak stability boundary capture ». Cette méthode consiste à faire arriver son vaisseau en bordure de la sphère gravitationnelle (au niveau des points de Lagrange Mercure-Soleil L1 ou L2) pour se faire capturer en douceur par le corps, en l’occurrence Mercure.

Schéma simpliste du principe du « Weak Stability Boundary Capture ». Crédit : Aurélien Genin

Une fois cette première insertion orbitale réalisée, le MPO allumera à cinq reprises ses propulseurs afin de diminuer l’altitude de son apoapside pour atteindre une orbite polaire de 590km par 11 640km : l’orbite du MMO, la sonde japonaise. Cette dernière sera larguée peu de temps après mais cette séparation est soumise à certaines contraintes techniques : Coupure de signal en cas d’opposition Terre-Mercure, impossibilité de réaliser des manœuvres dans une zone de plus ou moins 60° du périhélie pour éviter les surchauffes non prévues et enfin des éclipses pouvant impacter l’alimentation énergétique du MMO. Une fois le MMO largué, la jupe de protection MOSIF sera séparée elle aussi, devenue inutile. L’orbiteur MPO réalisera enfin une série de dix propulsions afin de se placer sur son orbite finale : 480km par 1500km. Au total la phase d’insertion en orbite aura duré trois mois auquel il faut rajouter un mois de mise en service de la sonde européenne.

Récapitulatif des différentes séparations entre les morceaux de BepiColombo à l’arrivée de Mercure. Crédit : ESA

La phase d’exploration de Mercure commence donc vers le début 2026 et doit durer une année terrestre pendant laquelle Mercure aura effectué quatre révolutions autour du Soleil. Il est cependant prévu d’étendre cette phase d’une année supplémentaire si les équipements fonctionnent toujours. Au total, le voyage jusqu’à Mercure aura duré plus de sept ans pour une distance parcoure de neuf milliards de km et plus de 18 orbites solaires réalisées. BepiColombo atteindra une vitesse de pointe de 60km/s ce qui rendent ridicule les 7,7km/s de l’ISS en orbite terrestre. De par les 240 millions de km qui pourront séparer BepiColombo de la Terre, un signal pourrait mettre plus de 13min pour réaliser un simple voyage aller entre les antennes au sol et les antennes des sondes.

Pour en apprendre plus sur les aspects techniques de la mission ainsi que sur tous les instruments qu’elle emporte, vous n’avez qu’à aller lire ce second article qui entre bien plus dans les détails des vaisseaux.

Si vous voulez voir plein de magnifiques images de la mission, que ce soit du décollage, de sa fabrication ou même plus tard, celles prises prise par les sondes, allez voir la galerie de l’ESA.

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Un satellite argentin d’observation et des booms supersoniques en Californie

lundi, octobre 8th, 2018

S’il y a bien une chose à laquelle nous commençons à être habitués, ce sont les atterrissages spectaculaires de SpaceX. Ceux-ci ne se faisaient normalement que sur trois lieux distincts : au sol à Cape Canaveral, dans l’Atlantique sur la barge OCISLY ou dans le Pacifique sur la barge JRTI. Cependant avec son lancement du 8 octobre 2018, SpaceX a inauguré un nouveau lieu d’atterrissage : la LZ-4 à Vandenberg, sur la côte Ouest des Etats-Unis. Cette troisième zone d’atterrissage au sol permettra à la compagnie américaine de récupérer plus rapidement ses boosters après leur vol, et ce, même pour des lancements en orbite polaire ou héliosynchrone comme ce fut le cas pour SAOCOM 1A en ce jour.

La Falcon 9 Block 5 décolle depuis le pas de tir SLC-4E de Vandenberg. Crédit : SpaceX

 

SAOCOM 1A, un peu d’histoire

Acronyme de Satelite Argentino de Observación COn Microondas (Satellite argentin d’observation micro-ondes), SAOCOM regroupe deux satellites d’observation de la Terre. Ils ont été développés par l’agence spatiale argentine (CONAE) puis fabriqué par l’entreprise INVAP, entreprise argentine spécialisée dans les technologies de pointe (énergie nucléaire, aérospatial, radars, etc). Ce projet est né en 1998 afin d’apporter des informations sur les sols, les eaux et la végétation.

En juin 2002, une première révision conceptuelle prévisionnelle a été réalisée en présence de la CONAE, d’INVAP, de la NASA, de l’AEB (agence spatiale brésilienne) et du CNES. A ce moment, le lancement était prévu pour 2004, date qui a constamment été repoussée pour causes budgétaires mais aussi techniques de part la complexité du satellite. 6 ans après, en octobre 2008, une seconde révision conceptuelle a été réalisée et passée avec succès. Cette même année, la CONAE a reçu un financement de la Banque Interaméricaine de développement pour mener à bien son projet SAOCOM.

Plateforme de SAOCOM 1A en cours de préparation. Crédit : Casa Rosada (Argentina Presidency of the Nation), Creative Commons

Ce n’est que le 16 avril 2009 que l’agence spatiale argentine signe un contrat avec SpaceX pour mettre en orbite ses deux satellites SAOCOM 1A et 1B grâce à deux Falcon 9. En 2012, on assiste enfin aux premiers tests concrets avec notamment les essais des systèmes de régulation thermique. Ces derniers s’avèrent fonctionner comme attendu et d’autres tests sont réalisés en 2014 sur les couvertures thermiques.

En octobre 2017, la structure du satellite est enfin terminée et des premiers tests environnementaux commencent. Dès le mois de décembre de la même année, tous les éléments fonctionnels ont été intégrés au satellite et SAOCOM 1A était prêt pour son vol ! Une ultime révision a été réalisée du 7 au 11 mai 2018 afin de vérifier que tous les systèmes seront opérationnels une fois en orbite. Le 15 juillet, l’antenne radar qui servira au satellite à faire toutes ses mesures scientifiques une fois dans l’espace a été fermée pour la dernière fois avant son lancement, ce qui concluait enfin tous les tests.

Chargement de SAOCOM 1A dans son Antonov An-124. Crédit : Juan Kulichevskyv, Creative Commons

Le 30 juillet 2018, un avion-cargo Antonov An-124 a atterri en Argentine pour transporter SAOCOM 1A. Il redécolla le 1er août avant d’arriver à la base militaire de Vandenberg le lendemain. Une semaine après, le lancement a été annoncé et l’intégration du satellite dans la coiffe de la Falcon 9 pouvait commencer pour un lancement prévu en octobre.

SAOCOM 1A, quelques points techniques

SAOCOM 1A mesure 4,5m de haut pour un diamètre de 2,9m lorsque les panneaux solaires et l’antenne radar sont repliés. La plateforme du satellite (sa structure) est dérivée d’un autre satellite argentin : SAC-C, qui était resté en orbite de 2000 à 2013. SAOCOM 1A pèse environ 3000kg au décollage et a une durée de vie de 5 ans en orbite.

Modèle 3D du satellite SAOCOM 1A. Les trois panneaux en haut forment le panneau solaire et le grand panneau en bas est le radar RSO. Crédit : INVAP

Ce satellite est alimenté en électricité par un grand panneau solaire de 15m² qui est déplié en orbite. Ce panneau a été développé et fabriqué à la faculté d’ingénierie de l’université nationale de La Plata. D’un autre côté, tout le système de régulation thermique fut fourni par le centre spatial Teófilo Tabanera, un complexe de la CONAE. SAOCOM 1A utilise deux types de communication : les bandes S pour la télémétrie et les diverses commandes, et les bandes X pour transmettre les données acquises par le radar. Ce téléchargement se fait à environ 40Mo/s tandis que le satellite a une mémoire de 32Go.

SAOCOM 1A avec son radar RSO déployé. Crédit : Casa Rosada (Argentina Presidency of the Nation), Creative Commons

L’outil principal de SAOCOM 1A est un radar RSO (ou SAR en anglais) pour Radar à Synthèse d’Ouverture. Celui-ci a été développé par l’Institut Argentin de Radioastronomie. Il mesure 10m de long et 3,5m de large et il est composé de près de 140 petites antennes radar qui lui permettent de réaliser un modèle 3D relativement précis de notre planète. Pour ce faire, le radar va successivement « illuminer » la surface en microondes (bande L) puis capter leur écho pour pouvoir associer à chaque point dans son champ de vision une altitude. Étant donné que le satellite est en mouvement, un même point va être illuminé plusieurs fois ce qui permet d’accroître la précision des données mesurées puis calculées. Grâce à ce système et à des fonctions mathématiques très performantes (transformée de Fourier notamment), il est ensuite possible de recréer un modèle tridimensionnel des diverses parties de la surface ou même du globe entier. Un énorme avantage des radars est, notamment, que les ondes émises traversent sans trop de perturbations les nuages. Ainsi il est facilement possible de cartographier des zones géographiques même si le climat ne semble pas trop s’y prêter.

SAOCOM 1A, un projet lié à l’Italie

Depuis 1992, la CONAE et l’Agence spatiale italienne (ASI) ont collaboré sur les projets SAC-B et SAC-C, deux autres satellites argentins. Tandis que la CONAE travaillait sur ses deux SAOCOM 1, l’ASI commençait le développement de sa constellation Cosmo-SkyMed qui présente des caractéristiques très similaires aux deux satellites argentins. Les très bonnes relations entre les agences spatiales des deux pays ont mené à la création du projet SIASGE (Sistema Italo Argentino de Satélites para la Gestion de Emergencias ou Système italiano-argentin de satellites pour la gestion des urgences) en juillet 2005. Grâce à ce dernier, le partage des données obtenues par les satellites argentins et italiens est facilité et officialisé. Ce croisement d’informations permettra de fournir des alertes très précises sur les incendies, les inondations, les avalanches et autres catastrophes naturelles.

Vue d’artiste d’un satellite Cosmo Sky-Med en orbite terrestre et déployé. Crédit : E-Geos

Le SIASGE a une influence directe sur les orbites des satellites car les six satellites en question (2 SAOCOM 1 et 4 Cosmo-SkyMed) sont placés sur des orbites héliosynchrones d’une même altitude (620km) mais sur six plans différents afin de fournir une actualisation toutes les 12 heures d’un même point à la surface. Ainsi le suivi des catastrophes s’en trouve énormément facilité.

En mai 2016, la CONAE et l’ASI ont signé une lettre d’intention qui les encourage à lancer une seconde version de ce projet : SIASGE II. Le but est d’intensifier et de renforcer la coopération dans les domaines de la science, de la recherche et des techniques spatiales à des fins pacifiques et en particulier dans le domaine de la prévention et la gestion des situations d’urgence.

Premier RTLS sur la côte Ouest

SpaceX possède actuellement deux lieux de lancements : deux pas de tirs sur la côte Est des Etats-Unis (LC-39A et SLC 40) et un pas de tir sur la côte Ouest (SLC-4). Cependant il s’avère que la zone de tir SLC-4 est en fait composée de deux pas de tirs : SLC-4E et SLC-4W. SpaceX a donc décidé de conserver le SLC-4E comme lieu de tir pour ses Falcon 9 qui doivent mettre sur orbite polaire ou quasi-polaire des satellites, et de reconvertir le SLC-4W en zone d’atterrissage. En effet, si SpaceX possédait déjà deux « Landing Zones » à Cape Canaveral, sur la côte Est (les LZ-1 et LZ-2), l’entreprise n’en avait pas encore à Vandenberg, sur la côte Ouest, et était donc forcée de toujours faire réatterrir ses boosters sur la barge JRTI à plusieurs centaines de km dans le Pacifique. Cette option est pratique dans le sens où le booster n’a pas besoin de réaliser un long « boostback burn » pour retourner proche de son pas de tir, mais d’un autre côté, cette procédure ne permet pas un retour rapide du lanceur qui met typiquement plusieurs jours à rentrer au port.

La zone d’atterrissage LZ-1 à Cape Canaveral avec un Homme pour l’échelle. Crédit : SpaceX

C’est pourquoi SpaceX à donc décider de construire une troisième zone d’atterrissage à Vandenberg : la LZ-4. Celle-ci permettra aux boosters de réaliser la procédure connue sous le nom de RTLS pour Return To Launch Site. Cette dernière n’a cependant pas été inventée par SpaceX. Elle existait en fait déjà à l’époque des navettes spatiales et consistait en une urgence très critique. En effet, si un problème sur le lanceur était détecté peu après le décollage et que celui-ci était trop important (perte d’un moteur par exemple) pour continuer jusqu’à la mise en orbite puis revenir après une révolution (Abort To Orbit ou ATO), il était possible, une fois les boosters à ergols solides séparés, de faire un demi-tour toujours avec le réservoir externe et les moteurs RS-25 restants afin de consommer tous les carburants (du réservoir externe et de la navette) pour alléger l’orbiteur. Ce dernier va ensuite se séparer du réservoir et procéder à un atterrissage sur l’énorme piste au Kennedy Space Center. Ce type d’avortement de mission n’a jamais été réalisé et il était considéré comme extrêmement dangereux à la suite de plusieurs simulations d’entraînements pour les astronautes. Il est important de noter que même le RTLS n’aurait pas sauvé Challenger car le problème qui a mené à la perte de l’équipage et du véhicule est survenu avant la séparation des boosters.

La zone d’atterrissage LZ-4 à Vandenberg. Crédit : SpaceX

Pour ce qui est de SpaceX, le RTLS n’est pas une manœuvre d’urgence mais bien une manœuvre permettant au booster de la Falcon 9 de revenir plus vite au pas de tir et donc de pouvoir être repréparé plus rapidement pour un futur lancement. SAOCOM 1A représente une cible excellente pour tester cette LZ-4 car, avec sa masse de seulement 3000kg, il reste bien en dessous des limites de la Falcon 9 ce qui fait que les réservoirs du booster seront encore assez remplis au moment de la séparation des deux étages. Le booster utilisé lors de ce vol n’en est d’ailleurs pas à son premier décollage car il s’agit du B1048.2 qui avait mis sur orbite dix satellites Iridium NEXT lors du vol Iridium NEXT VII sous le nom B1048.1.

Le booster B1048.2 après son atterrissage qui a inauguré la LZ-4. Crédit : SpaceX

Un point essentiel à noter est qu’un atterrissage comme fait SpaceX implique un objet allant à une vitesse supersonique et cause donc des booms supersoniques qui sont au nombre de trois et qui sont provoqués par les moteurs puis les jambes et enfin les « grid fins » , comme le montre très bien cette vidéo lors du lancement de la Falcon Heavy à 6:47 (on en entend 10 car il y avait deux boosters et de l’écho à cause des bâtiments). A Cape Canaveral, ceux-ci ne posent pas trop de problèmes car la base, étant si grande, il n’y a pas d’habitations à plusieurs dizaines de km à la ronde. Cependant la base militaire de Vandenberg est bien plus petite et certaines personnes habitant proche de la base ont pu très bien entendre ces booms supersoniques !

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Un septième cargo japonais vers l’ISS

samedi, septembre 22nd, 2018

Quels pays ravitaillent l’ISS ? Les Etats-Unis grâce à SpaceX via leur Dragon et Northrop Grumman Innovation System (anciennement Orbital ATK) avec leur Cygnus mais aussi la Russie et leur Progress, cargo dérivé du Soyouz. Saviez-vous cependant que le Japon envoie également des vaisseaux vers la station spatiale internationale ? Et oui, la capsule HTV, pour H-II Transfer Vehicle, est un cargo japonais ; et le septième de la famille a été lancé ce 22 septembre 2018 (à 19h52 CEST) ! En plus d’être le plus gros vaisseau actuel à rejoindre l’ISS, c’est aussi celui qui peut y amener le plus d’équipement. HTV-7, celui mis en orbite ces derniers jours, y a notamment transporté de nouvelles batteries, une nouvelle boîte à gant, trois petits satellites et tout un tas d’autres matériels.

Photo du lancement du cargo HTV-7. Crédit : @naritamasahiro sur Twitter avec son autorisation

 

Le cargo HTV

Les HTV sont des cargos servant au ravitaillement de l’ISS. Un total de sept de ces vaisseaux a été lancé, et ce depuis 2009. Au final, c’est quasiment un HTV qui décolle tous les ans. Ce type de capsule mesure un peu moins de 10m de hauteur en comptant les quatre propulseurs principaux, pour un diamètre de 4,4m. En comparaison, le laboratoire japonais Kibō à bord de la station 11,2m de long pour un diamètre identique. A vide, le cargo pèse 10,5 tonnes et peut emporter une impressionnante masse de 6,1 tonnes ! Cependant cette charge utile est répartie en deux ensembles distincts : charge utile pressurisée et non-pressurisée. La première peut peser jusqu’à 5,2 tonnes et est stockée dans le PLC (Pressurized Logistics Carrier), la partie en haut du cargo. D’un autre côté, chaque HTV peut transporter 1,9 tonnes (pour les nouvelles versions du cargo depuis HTV-6) de charge non-pressurisée, stockée dans le ULC (Unpressurized Logistics Carrier), la partie centrale du vaisseau.

Photo du cargo HTV 3 lors de son arrivée proche de l’ISS. Crédit : NASA

Le lancement de ces cargos est assurée par la fusée japonais H-IIB. Ce lanceur ne participe d’ailleurs qu’aux lancement d’HTV. Cependant ce dernier n’est qu’une version plus puissante de la H-IIA : premier étage plus grand et large (37,2 x 4m pour la H-IIA contre 38,2 x 5m pour la H-IIB) et avec deux moteurs, second étage plus long (11m contre 9,2m), constamment quatre boosters à ergols solides alors que la H-IIA existe en deux versions (2 ou 4 boosters) et une coiffe plus grande (5,2m de diamètre et 7m de haut comme la version lourde de la H-IIA : la version 204 à 4 boosters). Ce lanceur décolle depuis la base de lancement de Tanegashima située tout au sud de l’archipel nipponne, à la latitude 30° N. Sur ses sept décollages, aucun n’a échoué.

Photo du lanceur H-IIB qui va mettre HTV-7 en orbite sur son pas de tir. Crédit : @naritamasahiro sur Twitter avec son autorisation

Une fois en orbite, les HTV débutent une phase de croisière de quelques jours pour rejoindre la station : pour HTV-7, cette phase dure environ trois jours et demi. A l’approche de l’ISS, le cargo se stabilise avant de se faire capturer par le bras robotique Canadarm 2 de la station. En effet ce cargo japonais ne peut pas s’arrimer lui-même à l’ISS contrairement au Progress russe et doit donc être déplacé par ce bras comme le Dragon de SpaceX ou le Cygnus de Northrop Grumman Innovation System. Après avoir été accroché à un des ports de l’ISS, les astronautes peuvent ouvrir le sas afin d’avoir accès à la partie pressurisée, le PLC. Dans ce compartiment, tout est bien rangé et pour ne pour pas perdre de place, on trouve des sacs de cargo au sol, aux murs et même au plafond. Et oui ! vu que dans l’espace, tout flotte, ce n’est pas un problème de stocker des éléments un peu partout. Pendant son séjour sur la station, le cargo sera déchargé à l’intérieur mais aussi à l’extérieur. Le Canadarm 2 viendra récupérer les équipements installés dans le ULC (soute non-pressurisée) et les stocker ailleurs à l’extérieur de la station en vue d’une potentielle sortie extravéhiculaire des astronautes pour les installer définitivement. Enfin, après être resté là-haut une trentaine de jours, l’HTV est rempli de déchets (dans le PLC mais aussi dans l’ULC). Il va ensuite quitter la station et aller brûler dans l’atmosphère, au-dessus du Pacifique Sud (ou ailleurs dans le cas de HTV 7).

Photo du cargo HTV-6 attrapé par le Canadarm 2 avant d’être arrimé à la station. Crédit : NASA

Afin de manœuvrer en orbite, les HTV possèdent différents types de propulseurs. Il y a déjà quatre réacteurs d’une poussée unitaire d’environ 500N dont les tuyères dépassent à l’arrière du cargo. Ce sont ces derniers qui réalisent les manœuvres orbitales de rendez-vous ainsi que la manœuvre de désorbitation. Pour les contrôles d’attitude plus fins, les HTV sont équipés de 28 petits propulseurs d’une poussée d’environ 110N. Tous ces réacteurs fonctionnent en brûlant un mélange de MMH (monométhylhydrazine) et d’oxydes d’azote mélangés (NO, N2O4, NO2) qui sont stockés dans quatre réservoirs pour un total de 2,4 tonnes de carburants.

Photo des quatre propulseurs principaux du cargo HTV-1. On remarque également quelques propulseurs de contrôle d’attitude au-dessus. Crédit : NASA

HTV 7

Ce septième cargo HTV emportera un total de 6,2 tonnes de charge réparties en 4,3 tonnes pressurisées et 1,9 tonnes à l’extérieur. Le PLC est rempli avec :

            – EXPRESS Racks 9 et 10 : Les armoires EXpedite the PRocessing of Experiments for Space Station sont des systèmes permettant le stockage et la réalisation rapide et simple de plusieurs expériences scientifiques. Elles sont équipées d’interfaces standardisées et procurent électricité, données, refroidissement, eau, etc aux différentes expériences. Chacune de ces armoires, développées par la NASA, peut abriter jusqu’à dix petits modules. Les armoires 9 et 10 que transportent HTV 7 sont les deux dernières prévues.

Armoires EXPRESS 9 et 10 (deux au premier plan) avant leur intégration à HTV 7. Crédit : JAXA

            – LSG : La Life Sciences Glovebox est une boîte à gant hermétique permettant de réaliser des expériences scientifiques et technologique dans un environnement aux conditions contrôlées. Grâce à sa grande taille, deux astronautes peuvent y travailler en même temps. Ce lieu d’expérience a été fabriqué par la NASA et il sera installé à bord du laboratoire japonais Kibo.

LSG avant son intégration à HTV 7. Crédit : NASA

            – LSR : Le Life Support Rack est un équipement fabriqué par l’ESA et Airbus. Il est aussi connu sous le nom ACLS pour Advanced Closed Loop System. Ce système a pour but de tester un nouveau type de support de vie. Ce type d’équipement doit retirer le dioxyde de carbone de l’air, générer de l’oxygène et recycler le CO2 tout en utilisant le moins de ressource possible. L’ACLS est prévu pour un équipage de trois astronautes et sera installé à bord du laboratoire américain Destiny. Grâce à ce système en boucle fermée, il serait possible d’économiser jusqu’à 450kg d’eau par an.

Photo du LSR / ACLS en cours de fabrication. Crédit : Airbus Defence & Space

            – LHPR : L’expérience Loop Heat Pipe Radiator vise à démontrer la capacité technologique d’un tout nouveau système de régulation thermique. Ce démonstrateur sera installé à l’extérieur du laboratoire Kibo, sur le bras robotique japonais. LHPR permettra donc d’utiliser un nouveau type de système, plus performant et moins dangereux, pour réguler la température des satellites.

Modèles 3D de l’expérience LHPR et de son positionnement sur l’ISS. Crédit : JAXA

            – 3 Cubesats : SPATIUM-1 (démonstrateur technologique d’une méthode de mesure de la densité électronique, cartographie 3D de l’ionosphère et d’horloges atomiques miniatures), RSP-00 (démonstrateur technologique d’imagerie avec caméra embarquée et transmission à haute vitesse), STARS-Me (démonstrateur technologique d’un ascenseur spatial avec un câble de 10m de long). Ces trois micro-satellites seront ensuite largués depuis le sas du laboratoire Kibo et marqueront le 10ème largage de Cubesat de cette manière.

            – HSRC : Une capsule de retour d’échantillons scientifiques (détails dans le paragraphe suivant)

            – Nourriture fraîche comme il y avait eu sur HTV 5 et 6

Photo du cargo HTV 7 dans son hangar de fabrication. On voit les batteries sur leur palette dans l’ULC (pièce blanche au milieu du cargo). Crédit : JAXA

L’ULC, quant à lui, transporte six batteries qui viendront remplacer les anciennes de la station. En effet, les premières batteries électriques de l’ISS étaient au Nickel-Hydrogène. Elles avaient une durée de vie très longues mais ne pouvaient pas stocker beaucoup d’énergie. C’est pourquoi, depuis 2017, elles sont remplacées par des batteries Lithium-Ion. Ces dernières peuvent emmagasiner deux fois plus d’électricité pour un même volume, ce qui signifie qu’il n’est nécessaire d’avoir que la moitié des batteries présentes initialement. Les batteries transportées par HTV 7 seront sorties par le Canadarm 2 et placées au niveau de la poutre P4 (au niveau des premiers panneaux solaires sur le côté gauche de la station). Cette manœuvre est visible dans cette vidéo réalisée par l’agence spatiale canadienne. Deux EVAs (sorties extravéhiculaires) auront ensuite lieu avec Alexander Gesrt et Andrew Feustel pour la première et avec Alexander Gerst et Ricky Arnold pour la seconde afin de les installer à la place des anciennes.

HSRC

Cet acronyme signifie HTV Small Reentry Capsule et symbolise un démonstrateur technologique d’une petite capsule emportée à bord de HTV 7 (et sûrement des prochains HTV) qui permettrait de ramener sur Terre des expériences scientifiques menées à bord de l’ISS. Cette capsule qui mesure 84cm de diamètre et 66cm de haut est, dans un premier temps, stockée comme n’importe quel cargo dans le PLC.

Capsule HSRC avant son intégration à l’intérieur du PLC de HTV-7. Crédit : JAXA

Ce n’est qu’une fois en orbite qu’elle sera changée de place. En effet avant le départ du cargo, la porte de l’HTV sera démontée et une fixation spécialement conçue pour l’occasion sera installée à la place. Cette dernière assure l’étanchéité du PLC mais permet surtout de fixer la capsule HSRC afin qu’elle soit libérée une fois en trajectoire de rentrée atmosphérique.

Assemblage du HSRC et du bouchon du PLC avant la séparation avec l’ISS. Crédit : JAXA

La capsule possède tout une partie externe contenant les parachutes ainsi que les réservoirs de carburant et les petits moteurs imprimés en 3D qui permettront à HSRC de s’orienter pendant la rentrée. Cette partie est également protégée de la chaleur de la rentrée atmosphérique par une épaisse couche de panneaux ablatifs. A l’intérieur il y a un containeur à double épaisseur (sur le même principe qu’un thermos) qui permet de stocker jusqu’à 20kg d’expériences tout en restant passivement froid (ou 5kg s’il est nécessaire de conserver des températures encore plus basses). La capsule HSRC emportée par HTV 7 sera remplie de cristaux de protéines cultivés dans la station afin qu’ils soient analysés plus en détail au sol.

Vue en coupe de la capsule HSRC. Crédit : JAXA

Une fois que le cargo HTV 7 se sera désamarré de l’ISS, il allumera ses quatre propulseurs afin de se désorbiter. Ce n’est qu’une fois cette manœuvre réalisée que HSRC sera séparée du reste du cargo. Contrairement aux autres HTV, celui-ci effectuera sa rentrée atmosphérique dans le Pacifique Nord-Ouest afin que le containeur à l’intérieur de la capsule puisse rapidement être récupéré et transféré par bateau puis par avion aux laboratoires. Le reste de la capsule sera ramenée plus lentement par bateau pour ensuite pouvoir étudier sa résistance à la rentrée et vérifier que tout s’est passé comme prévu.

Opérations du HSRC. Crédit : JAXA

Cette capsule HSRC est dérivée de la capsule HTV-R qui devait être une variante du cargo HTV mais avec une capsule de rentrée à la place du PLC. Ainsi de grandes quantités d’expériences auraient pu être ramenées sur Terre. Finalement, l’HTV-R reste en évaluation et des plans conceptuels publiés en 2012 par la JAXA (agence spatiale japonaise) incluaient également un autre dérivé de l’HTV qui pourrait emmener trois astronautes en orbite avec 400kg de cargo. Affaire à suivre !

Concept de l’HTV-R. Crédit : JAXA

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Un satellite unique en son genre : Aeolus

jeudi, août 23rd, 2018

La mesure des vents est un élément essentiel de notre quotidien. Que ce soit pour prédire la météo, savoir où placer des champs éoliens, où construire des aéroports ou encore savoir quand évacuer les populations lors de cyclones, il est très important pour nous de comprendre les vents mais surtout d’avoir un suivi de ces derniers. C’est dans cet objectif qu’est né Aeolus, premier satellite à mesurer cela depuis l’espace. Et pour ce faire, Aeolus est armé d’un appareil nommé ALaDIn qui est en fait un LIDAR couplé à des mesures de l’effet Doppler et plein d’autres phénomènes optiques qui seront détaillés dans quelques paragraphes.

Vue d’artiste de la séparation de la coiffe lors du lancement. On voit bien le télescope d’Aeolus au centre. Crédits : ESA

Histoire

Ce satellite qui tire son nom du dieu grec Eole, dieu des vents qui a notamment aidé Ulysse dans son voyage pour rentrer de Troie, fait parti du programme Living Planet de l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Ce dernier regroupe toutes les missions spatiales dédiées à l’observation de la Terre. La constellation Sentinel dont nous avons déjà parlé à l’occasion du lancement de Sentinel 3B fait parti de ce programme mais Aeolus appartient au groupe Earth Explorer. Celui-ci rassemble les satellites à but de recherche scientifique en opposition aux Sentinel qui recueillent en continue des données sur notre belle planète bleue (et verte).

Programme Living Planet. Crédits : ESA

Il existe actuellement huit missions Earth Explorer :

 -GOCE lancé en mars 2009 qui a mesuré avec une très grande précision le champ gravitationnel terrestre pour en faire une carte mondiale.

 -SMOS lancé en novembre 2009 a étudié le cycle de l’eau terrestre en mesurant la salinité des océans et l’humidité des sols.

 -CryoSat 2 lancé en avril 2010 après l’échec du lancement de CryoSat 1 en 2005 mesure les fluctuations dans l’épaisseur de la glace sur le sol mais aussi dans les océans

 -Swarm lancé en novembre 2013 qui a, depuis, fourni le meilleur modèle du champ magnétique terrestre et de son évolution dans le temps.

 -ADM-Aeolus lancé en août 2018 démontrera la possibilité de caractériser les vents grâce à des lasers.

 -EarthCARE dont le lancement est prévu en 2018 améliorera notre représentation et compréhension de la manière dont la Terre réfléchit, absorbe et conserve les rayonnements.

 -Biomass prévu pour un lancement en 2020 fournira des mesures sur la quantité de biomasse et de carbone stocké dans les forêts et ainsi nous permettra de mieux comprendre le cycle du carbone.

 -FLEX dont le lancement est prévu pour 2022 cartographiera la fluorescence végétale pour quantifier l’activité photosynthétique.

Les huit missions actuelles du programme Earth Explorer. Crédits : ESA

Le projet ADM-Aeolus (Atmospheric Dynamics Mission Aeolus) voit le jour à la veille de l’année 2000 et est sélectionné par l’ESA pour démarrer le programme Living Planet. Il est initialement prévu que le lancement ait lieu en 2007 mais les problèmes dans la conception de la fabrication de l’instrument principal du satellite repousseront la date ultime jusqu’à août 2018. En 2003, c’est le groupe EADS Astrium Satellites, ensuite devenu groupe Airbus, qui est choisi pour développer Aeolus. En 2000, un premier satellite avait été imaginé. Il devait peser 785kg, posséder un télescope de 1,10m et être alimenté en électricité par des panneaux solaires de 725W. Finalement, aux vues de son orbite basse et donc de la traînée atmosphérique importante et aussi du grand nombre de photons renvoyés par l’atmosphère, le modèle est modifié : on double la quantité d’ergols, on augmente la taille du télescope en le passant à 1,50m de diamètre, on optimise la forme du tube qui protège ce dernier… Au final, la masse d’Aeolus a quasiment été multipliée par deux pour un total de 1 400kg.

Vue d’artiste du satellite Aeolus en orbite et déployé. Crédits : ESA

Vient ensuite la mise au point de l’instrument Aladin. Celui-ci se base sur une technologie jamais mise en œuvre dans l’espace et à cause (ou grâce) de cet avant-gardisme, de nombreux problèmes se sont posés : Résultat ? La mission prend 10 ans de retard ! Un des obstacles majeurs était le secret défense sur les lasers ultraviolets car ils étaient utilisés dans les bombes atomiques. Une fois les problèmes résolus (ces résolutions seront décrites plus loin), un petit prototype, A2D (ALADIN Airborne Demonstrator) a été construit et placé sur un avion de l’agence spatiale allemande, la DLR, pour le tester.

Modèle 3D du prototype A2D monté sur un avion de la DLR. Crédits : DLR

Au final, le projet aura couté 550 millions d’euros, ce qui reste très peu lorsque comparé à des projets militaires. En 2016, le lanceur léger européen Vega est choisi pour mettre sur orbite Aeolus et le lancement est prévu pour fin 2017. En mai 2017, le satellite arrive au Centre Spatial de Liège en Belgique, centre spécialisé dans l’optique spatiale, pour subir une série de tests dont 50 jours de tests sous vide pour qualifier l’instrument Aladin. Ensuite, Aeolus a été transporté jusqu’à Kourou mais au lieu de voyager par avion comme la plupart des satellites, il a traversé l’Atlantique par bateau. Pourquoi ? demanderiez-vous. A cause de la pressurisation rapide lors de la descente en altitude, Aeolus aurait pu être endommagé à cause de l’ingestion de polluants et de poussières. C’est donc le navire routier Ciudad de Cadiz qui l’amène jusqu’en Guyane française.

Bateau transporteur Ciudad de Cadiz. Crédits : Frank Schwichtenberg (Creative Commons)

 

ALaDIn

L’instrument scientifique que va utiliser Aeolus pour réaliser sa mission se nomme Aladin et est l’acronyme de Atmospheric Laser Doppler Instrument auquel les ingénieurs ont rajouté une touche d’humour pour ne pas juste l’appeler ALDI. Ce dernier va utiliser un puissant laser ultraviolet (355nm de longueur d’onde) pour réaliser ses mesures. Aladin enverra de très courtes pulsations de ce laser vers la Terre (100 pulsations par seconde). Une fois que cette pulsation rencontre une poussière ou un aérosol contenu dans l’air, elle sera réfléchie et potentiellement captée par Aeolus. En mesurant le temps entre l’émission et la réception, Aladin pourra calculer la distance qui le sépare de cette poussière ou aérosol.

Graphique illustrant le décalage dû à l’effet Doppler. La diffusion Rayleigh est celle causée par les molécules d’air et la diffusion Mie est causée par les gouttelettes d’eau et les aérosols. Crédits : ESA

Mais comment peut-on mesurer la vitesse des vents si nous n’avons accès seulement à la distance ? Et c’est là qu’entre en jeu le D de Aladin ! Grâce à l’effet Doppler, quand la pulsation lumineuse rencontrera cette particule dans l’air, si celle-ci est en mouvement, alors la longueur d’onde de la pulsation sera modifiée. Elle sera soit augmentée si la particule s’éloigne d’Aeolus, soit réduite dans le cas contraire. Ainsi, en mesurant le décalage de la longueur d’onde entre celle de la pulsation envoyée et celle de la pulsation reçue, il est possible de déterminer la vitesse de déplacement de la particule. Et étant donné que cette dernière est portée par le vent, alors nous avons une mesure de la vitesse de ce dernier !

Schéma du fonctionnement du laser d’Aladin. Crédits : ESA

Aladin est donc composé d’un laser qui génère 5W de lumière d’une longueur d’onde de 355nm (hors du spectre visible par l’Homme). Cette dernière a été choisie car c’est celle qui est le plus réfléchie par les molécules atmosphériques. Pour créer ce rayon cohérent, tout un agencement de sources lasers (lasers Nd-YAG qui produisent des impulsions d’une énergie de 120mJ avec une fréquence de 100Hz), de lentilles, d’amplificateurs, etc a été mis en place. Et on en revient à un des problèmes qui a causé tant de retard ! A cause de l’énergie transporté par ce laser, l’optique interne est portée à des températures très importantes : 1 700°C. En conséquence, la surface des différents éléments optiques s’obscurcit en absence d’atmosphère. Pour remédier à ce souci, des ingénieurs ont eu la bonne idée d’injecter en permanence une faible quantité d’oxygène qui, en oxydant les contaminants produits à la surface des optiques, permet leur élimination. Afin de répondre aux besoins en oxygène pendant les trois ans de la mission, un réservoir de 15kg a été ajouté au satellite.

Laser et optique de l’instrument Aladin. Crédits : ESA

Une fois le rayon cohérent du laser produit, il est réfléchi sur un télescope de 1,50m de diamètre afin d’être envoyé vers la Terre. Celui-ci est pointé à 35° du plan orbital afin de transmettre et recevoir la lumière perpendiculairement à la vitesse d’Aeolus. Ainsi, Aladin pourra mesurer la composante Est-Ouest de la vitesse des vents. Une fois le laser réfléchi par les particules contenues dans l’air, il est capté par ce même télescope et redirigé vers deux photodétecteurs très sensibles qui vont transformer ce signal lumineux en signal électrique, ensuite analysé pour en déduire le décalage dû à l’effet Doppler et tout un tas d’autres informations. Grâce à ses calculs, Aladin permet de mesurer la vitesse des vents avec une précision de 1 à 2 m/s suivant l’altitude et sur une tranche d’atmosphère de 14km (de 2 à 16km). Au total, Aeolus effectuera 100 mesures de profil par heure.

Géométrie des mesures. Crédits : ESA

Caractéristiques techniques

Aeolus mesure 4,6m de haut, 1,9m de large et 2m de profondeur pour une masse totale au décollage de 1 366kg : 650kg pour la plateforme, 450kg pour la charge utile et 266kg d’ergols pour les manœuvres en orbite. Ce sont deux panneaux solaires fixes qui fournissent l’énergie au satellite. Au total, ils mesurent 13,4m² et fournissent en moyenne 1,4kW de puissance avec un maximum à 2,4kW grâce aux cellules d’arséniure de gallium. Toute cette électricité est stockée dans des batteries Li-ion de 84Ah afin de continuer à fournir de l’énergie même en pleine nuit. Une fois les données recueillies, Aeolus les transmet en bande X à la station norvégienne de Svalbard avec un débit de 5 Mbits/s. Grâce à sa mémoire de 4 Gbits, le satellite peut conserver les données pendant 72h.

Satellite Aeolus (à droite) pendant son remplissage en hydrazine. Crédits : ESA

Pour une mission d’une telle précision, le contrôle d’attitude est essentiel. C’est pourquoi Aeolus est très bien équipé sur ce point : grâce à un récepteur GPS il peut déterminer sa position avec une résolution de plus de 10m, un viseur d’étoiles précis à 13µrad et une centrale inertielle fonctionnant avec des gyroscopes à fibre optiques fournissent les informations nécessaires pour le bon maintien de l’orientation du satellite. Afin de corriger cette dernière, Aeolus est équipé de quatre roues à réaction ainsi que de magnéto-coupleurs pour désaturer les roues. Quatre petits moteurs fusées d’une poussée unitaire de 5N et brûlant de l’hydrazine assurent les corrections d’orbite.

Satellite Aeolus juste avant sa mise sous coiffe. Crédits : ESA

 

Lancement

Aeolus a été lancé le 12 août 2018 à 23h20 CEST depuis le Centre Spatial Guyanais à Kourou. C’est la 12ème fusée légère Vega qui s’est chargé de placer ce satellite sur une orbite héliosynchrone de 320km d’altitude. Cette orbite est inclinée à 96,7° par rapport à l’axe de rotation de la Terre ainsi, des mesures seront effectuées tous les 250km à la latitude de Bordeaux. Le satellite a été larguée après 54 minutes et 57 secondes sans encombre. Encore une fois, le petit lanceur italien, qui sera bientôt remplacé par Vega-C, montre sa fiabilité.

Décollage de la fusée Vega pour le vol VV12 avec à son bord Aeolus. Crédits : ESA

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Une mission pour toucher le soleil

dimanche, août 12th, 2018

Dimanche 12 août 2018 a eu lieu le lancement d’une mission extraordinaire : Parker Solar Probe. Cette sonde s’est élancée dans l’espace interplanétaire mais ne vise pas une autre planète, non, elle ne vise pas une orbite circulaire pour regarder notre étoile, non, Parker Solar Probe va se rapprocher au plus proche de notre Soleil pour mesurer et étudier sa couronne. Cette mission incroyable a été entreprise par la NASA et devrait durer pendant près de sept ans grâce à un équipement préparé spécialement pour la sonde.

Vue d’artiste de la sonde Parker Solar Probe une fois en orbite autour du Soleil. Crédits : NASA

Histoire

La sonde PSP (Parker Solar Probe) est née du projet américain Solar Probe créé en 2005. A cette période, New Horizons, la sonde qui a exploré Pluton et qui va bientôt survoler un autre corps de la ceinture de Kuiper, était en pleine fabrication. Avec celle-ci il ne resterait plus qu’une zone de notre système solaire que nous n’aurions pas encore visité : la région proche du Soleil. La NASA a donc lancé en 2004-2005 une étude de la faisabilité d’une telle mission. Et les résultats étaient très bons ! La mission devait lancer une sonde vers Jupiter pour profiter de sa gravité afin de la dévier sur une orbite polaire avec un périhélie à moins de quatre rayons solaires. Le problème était que son aphélie se situerait au niveau de l’orbite de Jupiter et la période orbitale serait si longue qu’elle ne permettrait que deux survols du Soleil. A cause de cette aphélie lointaine, la sonde aurait même dû utiliser des générateurs thermoélectriques à radio-isotope (RTG) pour fournir de l’énergie. On arrivait donc à une mission techniquement faisable mais qui aurait couté au moins 1,1 milliards de dollars, un prix bien trop élevé pour une telle sonde.

Modèle 3D de la sonde Solar Probe de 2005 qui n’a pas été retenue. On notera l’énorme bouclier thermique en forme de cône à l’avant. Crédits : NASA

Quelques années plus tard, la NASA relance une étude pour réaliser une mission similaire mais avec deux nouvelles contraintes : production d’énergie sans RTG et un coût total à moins de 750 millions de dollars. En 2008, le projet Solar Probe Plus voit le jour et ses caractéristiques sont redéfinies. Pour éviter l’utilisation de RTG, on décide d’opter pour de nombreuses assistances gravitationnelles de Vénus au lieu d’une grosse de Jupiter. En plus de rapprocher l’aphélie de l’orbite, cette assistance permet aussi un temps d’étude sur Soleil plus long : De 160 heures pour Solar Probe, on passe à 2 100 heures avec Solar Probe Plus et ce grâce aux nombres de survols bien plus conséquents (24 au lieu de 2). Un second avantage est une vitesse plus faible au passage de l’étoile et donc encore plus de temps de recherche : 195km/s contre 308km/s au maximum. Les seuls inconvénients sont un passage plus loin du Soleil (10 rayons solaires au minimum) mais qui est compensé par des contraintes thermiques allégées, et la possibilité d’étudier les pôles solaires qui s’envole. Cependant, cette étude polaire sera réalisée par la sonde Solar Orbiter de l’ESA dont le lancement est prévu en 2020. Maintenant que le plan général est créé, il faut passer à la fabrication et surtout à la résolution du problème majeur : la température. En effet, Solar Probe Plus subira des températures de plus de 1 400K (1 127°C) à cause d’un vent solaire 500 fois plus énergétique que celui reçu en orbite terrestre.

Plateforme centrale de Parker Solar Probe avant des tests thermiques. Crédits : NASA

Ainsi en 2008, le budget nécessaire à la mission est réservé et le projet est affecté au centre spatial Goddard qui mène déjà des études sur l’influence de notre étoile sur notre planète avec son projet Living With a Star. La NASA confie au laboratoire de physique appliquée de l’Université Johns-Hopkins la conception et le développement du satellite. A la fin de l’année suivante, ce même laboratoire conclut une étude préliminaire sur les nouvelles technologies nécessaires à inventer : bouclier thermique, panneaux solaires, système de refroidissement. La construction de la sonde commence dans les années suivantes et la date de lancement est prévue pour août 2018, date idéale pour effectuer toutes les assistances gravitationnelles voulues. Une fenêtre de tir de secours est prévue en mai de l’année suivante mais celle-ci nécessite un survol de Vénus supplémentaire. En mai 2017, la NASA décide de renommer la sonde en Parker Solar Probe en l’honneur de l’astrophysicien Eugene Parker. Ce dernier avait émis l’hypothèse il y a 60 ans que toutes les étoiles émettaient de façon permanente un flux de particules énergétiques. Ce flux a été vérifié et mesuré dans les décennies suivantes par des missions spatiales et il a été nommé « vent solaire ». Petit fait marrant, Parker Solar Probe est la première sonde de la NASA dont le nom provient d’une personne encore vivante au moment du lancement. Au final, le coût de développement de la mission est évalué à 1,05 milliards de dollars et celui des études préliminaires, du lancement et de la gestion opérationnelles à 530 millions : comme quoi les budgets finaux sont souvent bien au-dessus des budgets initiaux.

Assemblage de la sonde Parker Solar Probe. Crédits : NASA

Instruments

L’objectif de PSP est d’étudier la couronne solaire. Cette couche du Soleil s’étend sur plusieurs millions de kilomètres, atteint une température d’un million de Kelvins (contre 5500K pour la surface solaire) et est responsable des vents solaires : flux de particules très énergétiques qui bombardent tous les corps du système solaire. Ces dernières décennies, notre compréhension de cette zone n’a pas cessé de croître mais les phénomènes d’échauffement et d’accélération des vents solaires restent encore un mystère. Parker Solar Probe aura donc quatre objectifs :

-déterminer la structure et l’évolution des champs magnétiques à l’origine à la fois des particules lentes et rapides du vent solaire

-tracer les flux d’énergie qui réchauffent la couronne solaire et accélèrent les particules du vent solaire

-déterminer les processus à l’origine de l’accélération et du transport des particules énergétiques

-étudier le phénomène du « plasma poussiéreux » (voir image ci-dessous) aux abords du Soleil et son influence sur le vent solaire et la formation des particules énergétiques.

Couronne solaire vue lors de l’éclipse solaire totale du 21 août 2017 aux Etats-Unis. Le « plasma poussiéreux » est le nom donné à la dispersion du plasma, ici les petits panaches blancs. Crédits : NASA

Pour réaliser tout cela, Parker Solar Probe est équipé de quatre instruments scientifiques dont voici la liste et les explications :

WISPR : Le coronographe Wide-field Imager for Solar Probe (Imageur grand champ pour sonde solaire) est une caméra grand angle qui fournira des images en trois dimensions de la couronne solaire. Si on considère que la direction du Soleil est 0°, WISPR couvrira la zone comprise entre 13,5° et 108°. Ce coronographe est caché dans l’ombre du bouclier thermique de Parker Solar Probe (dont nous reparlerons plus tard). Etant donné qu’au périhélie, le Soleil aura une taille apparente de 12°, WISPR a une marge de 7,5° d’occultation (13,5 – 12 / 2) qui lui évite d’être abîmé en cas d’anomalies dans le pointage de la sonde. Cet instrument est placé de telle manière qu’il image dans le sens de déplacement de Parker Solar Probe. Ainsi, les phénomènes qui seront détectés in situ par les autres instruments pourront être identifiées grâce à WISPR. Ce dernier est composé de deux télescopes : l’un couvrant l’angle interne (de 13,5° jusqu’à 53°) et l’autre couvrant l’angle externe (de 53° à 108°). Le capteur CCD de ce coronographe mesure 2048 pixels par 1920 soit des images de presque 4 mégapixels. Au final, la résolution angulaire (angle au quel correspond un pixel sur l’image) est de 17 secondes d’arc quand la sonde est au plus proche du Soleil. WISPR a été développé et fabriqué par le Naval Research Laboratory en Caifornie sous la direction du professeur Russell Howard.

Modèle 3D de l’instrument WISPR. Crédits : NASA

FIELDS : Cet ensemble d’instruments mesure les champs électromagnétiques, les émissions d’ondes radios et les ondes de plasma dans la couronne solaire. Il comporte cinq antennes qui mesurent la tension électrique et de trois magnétomètres. Quatre des cinq antennes sont placées à la base du bouclier thermique tandis que la dernière est pointée à l’opposé du Soleil. Les quatre antennes sont directement attaquées par le rayonnement solaire ce qui fait monter leur température à plus de 1 500K. Pour les protéger, la partie la plus longue de celles-ci est faite d’un tube de 2m en niobium C-103, matériau qui était utilisé pour les capsules Apollo et aujourd’hui dans les tuyères des moteurs Merlin de SpaceX. Cette première section est prolongée par une seconde de 30cm en molybdène, un métal dont la température de fusion est d’environ 2 900K. Cette dernière sert de bouclier thermique et électrique. La cinquième antenne, plus courte, est montée sur un mât déployable à l’arrière de la sonde. Les trois magnétomètres sont également fixés à ce mât long de 3,5m. Cette série d’instrument FIELDS a été développée par l’Université de Berkeley en Californie sous la direction du professeur Stuart Bale.

Schéma montrant la disposition des différents instruments de FIELDS. Crédits : NASA

ISIS : L’instrument ISIS (Integrated Science Investigation of the Sun) va mesurer les caractéristiques des particules de l’atmosphère solaire qui sont accélérées à des énergies élevées (de 25keV à 200MeV). Les eV (électron-Volt) sont une unité d’énergie. Un eV est égal à l’énergie d’un électron dans un circuit électrique avec une tension d’un volt. A partir des données collectées par ISIS, il sera possible de déterminer l’origine des particules et les conditions qui ont menées à leur accélération ainsi que le rôle des chocs entre particule, des reconnexions du champ magnétique et des ondes de turbulences dans le processus d’accélération. Cet instrument possède deux capteurs : EPI-Lo et EPI-Hi. EPI-Lo mesure les caractéristiques des ions du vent solaire dont l’énergie est comprise entre 25 et 1 000 keV. Ce dernier est composé de 80 petits capteurs chacun doté d’un champ de vue précis et qui permettent au total de cartographier un hémisphère. La seconde partie d’ISIS, EPI-Hi, mesure les ions plus énergétiques, de 1 à 200MeV ainsi que les électrons dont l’énergie est comprise entre 0,5 et 6 MeV. EPI-Hi est constitué de trois télescopes qui, ensemble, offrent au capteur cinq larges champs de vue. ISIS est placé au plus loin à l’arrière de la sonde (à l’opposé du Soleil) et dans le sens de déplacement. Ainsi les capteurs disposent d’un champ de vue qui va jusqu’à 10° (toujours avec la direction du Soleil qui équivaut à 0°). Cet instrument a été développé par l’Université de Princeton sous la direction du docteur Davic McComas.

Modèle 3D de l’instrument ISIS. Crédits : NASA

SWEAP : SWEAP, pour Solar Wind Electrons Alpha and Protons, est un ensemble de quatre instruments qui vont caractériser les électrons, les protons et les particules alpha (noyaux d’hélium) : principaux composants du vent solaire. Grâce à ses données combinées à celles des autres instruments, SWEAP permettra d’accroître notre connaissance dans les mécanismes d’échauffement et d’accélération à l’œuvre dans la couronne solaire. Le premier des quatre capteurs SWEAP est le SPC (Solar Probe Cup). Celui-ci est une cavité de Faraday, un piège à électrons composé d’une capsule de métal conducteur qui permet de déterminer le nombre d’électrons interceptés en mesurant le courant produit. Ainsi SPC mesurera le flux et la direction d’arrivée des ions (particules alpha et protons) et des électrons. Ce dernier est placé en bordure du bouclier thermique et face au Soleil. Il a un champ de vu de 60°. Les trois autres capteurs font partis de la famille SPAN (Solar Probe Analyzers) qui mesure le vecteur d’arrivée et la vitesse des électrons et des ions avec une résolution angulaire temporelle et énergétique élevée. Les deux capteurs SWEAP SPAN A effectuent ces mesurent dans le sens de déplacement de la sonde tandis que le capteur B les réalise dans le sens opposé. Cet ensemble de capteurs a été développé par l’Université du Michigan et le Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics sous la direction du professeur Suart Bale, le même qui dirigeait la fabrication des instruments FIELDS.

Modèle 3D de SWEAP SPAN A+. Crédits : NASA

Modèle 3D de SWEAP SPC. Crédits : NASA

Modèle 3D de SWEAP SPAN B. Crédits : NASA

Caractéristiques techniques

Parker Solar Probe est une sonde compacte qui ne pèse que 685kg donc 50kg d’instruments scientifiques. Elle a été construite autour d’une plateforme en forme de prisme à base hexagonale d’un mètre de diamètre comportant en son centre un réservoir d’ergols. Au-dessus de celle-ci, un bouclier thermique d’une nouvelle génération est fixé par six poutrelles. Au total, la sonde mesure 3m de haut et 2,3m de diamètre avec tous ces équipements repliés (antennes, mât et panneaux solaires).

Bouclier thermique de Parker Solar Probe pendant des tests dans une chambre à vide. Crédits ; Université Johns Hopkins

Le bouclier thermique devra intercepter quasiment tout le flux de rayonnement solaire qui est près de 500 fois plus puissant que celui reçu en orbite terrestre lorsque la sonde se trouvera au plus proche du Soleil. Ce bouclier permet aux instruments de Parker Solar Probe de maintenir une température de 20K alors que la face exposée au Soleil monte jusqu’à 1 400K. Ce dernier, qui mesure 11,5cm d’épaisseur et 2,3m de diamètre est constitué d’une mousse de carbone enveloppée d’un composite carbone-carbone (similaire à celui utilisé sur les bords d’attaque des ailes de la navette spatiale américaine) et recouvert d’une couche d’aluminium sur la face exposée au Soleil. Ce bouclier a été découpé pour former deux côtés droits pour permettre une exposition uniforme sur les panneaux solaires. Les coins ont également été raccourcis pour accueillir des détecteurs de limbe solaire dont nous reparlerons dans quelques lignes.

Vue d’artiste de Parker Solar Probe (côté dans le sens du déplacement) où l’on peut voir la position des instruments scientifiques ainsi que les deux panneaux solaires repliés, ne laissant que les panneaux secondaires dépasser du bouclier thermique. Crédits : NASA

L’électricité de la sonde est apportée par un set de deux panneaux photovoltaïques. Chaque panneau a une superficie de 0,65 m² et doit pouvoir fonctionner même au plus proche du Soleil. Pour résister aux températures extrêmes, ils sont repliés dans l’ombre du bouclier thermique. Chaque panneau est constitué d’une partie primaire (72 x 65cm) complètement à l’ombre lorsque que la sonde est à son périhélie et d’une partie secondaire (27 x 65cm) à son extrémité qui, elle, est toujours exposée. Pour optimiser l’incidence du rayonnement lumineux, les panneaux secondaires forment un angle de 10° avec les primaires lors des passages au périhélie. Pour éliminer la chaleur de ces panneaux, un système de refroidissement à eau passe dans ces derniers et évacue environ 6 000 Watts de chaleur pour maintenir les cellules solaires à moins de 160°C. Ce système de refroidissement utilise ainsi quatre radiateurs (d’une superficie totale de 4,4m²) disposés sur les poutrelles qui tiennent le bouclier thermique pour pouvoir refroidir l’eau. Les radiateurs sont constitués de tubes de titane dans lesquels circulent l’eau et d’ailettes en aluminium qui dissipent la chaleur. Ils sont également utilisés à l’aphélie pour conserver une chaleur suffisamment élevée dans la sonde. Au plus proche du soleil, les panneaux produisent 340 Watts d’électricité. Parker Solar Probe possède également une batterie Li-ion de 25Ah pour stocker l’énergie produite.

Système de protection thermique pendant des tests thermiques. Crédits : NASA

Lors d’une telle mission, il est crucial de conserver une attitude parfaite. En effet, une erreur d’orientation d’1° augmente l’énergie à dissiper par la sonde de 35% au périhélie. Pour ce faire, Parker Solar Probe possède un système de contrôle d’attitude très performant afin de conserver son bouclier thermique tourné en permanence face au Soleil. La sonde est stabilisée sur trois axes grâce à quatre roues à réaction et douze petits propulseurs à hydrazine. Les réservoir internes emportent 55kg d’ergols pour une modification totale de vitesse de 170m/s sur toute la durée de la mission. Ces moteurs sont également utilisés pour les corrections de trajectoire et pour désaturer les roues à réaction. Pour connaître son attitude, Parker Solar Probe se base sur deux viseurs d’étoiles fixés à la base de la plateforme mais aussi de sept capteurs de limbe solaire. Ces capteurs sont placés en périphérie de la plateforme et à l’extrémité de l’ombre du bouclier thermique. Ce sont ces derniers qui préviennent les ordinateurs de bord au cas où la sonde ne pointe plus correctement son bouclier au Soleil. Il y a également deux capteurs solaires digitaux qui effectuent la même tache que les sept précédents mais lorsque la sonde se situe à plus de 0,7 UA du Soleil. Deux centrales inertielles fournissent également tous les paramètres liés à la rotation. L’avionique (ordinateurs de bord) a été conçue de manière à ce que les capteurs et actuateurs soient toujours opérationnels même lorsque la sonde passe en mode survie à son périhélie. Ainsi, le système de contrôle possède deux ordinateurs redondants avec chacun trois processeurs également redondants.

Vue d’artiste de la sonde solaire (côté opposé au déplacement). Crédits : NASA

Pour finir, les télécommunications se font en bande X et Ka à l’aide d’une antenne à grand gain et plusieurs antennes faible gain. Les transmissions des résultats scientifiques ne s’effectuent que lorsque la sonde est à plus de 0,56 UA du Soleil. D’un autre côté, les commandes envoyées depuis la Terre et les données télémétriques envoyées par la sonde sont transmises en permanence grâce à deux antennes faible gain. Pour stocker les données pendant le passage au périhélie, Parker Solar Probe possède de deux espaces de stockage redondants de 32Go.

Déroulement de la mission

Parker Solar Probe a été lancé en orbite à bord d’une Delta IV Heavy le 12 août 2018 à 9h31 CEST depuis le pas de tir SLC-37 de Cape Canaveral. Pour cette mission, les ingénieurs veulent faire passer la sonde très proche du Soleil et pour ce faire il faut un lanceur très puissant !! D’après Tory Bruno, PDG d’ULA, seule la Delta IV Heavy peut effectuer ce lancement. Effectivement, l’énergie caractéristique de cette mission est de 154km²/s², ce qui est énorme. Pour faire simple, la vitesse que doit atteindre Parker Solar Probe au moment de quitter l’influence de la Terre doit être supérieure de 12,4km/s à la vitesse de libération de la Terre (environ 11km/s). Au début, la sonde aurait dû être lancée à bord d’une Atlas V 551 équipée d’un troisième étage à ergol solide Star 48GVX qui aurait été développé spécifiquement pour cette mission et qui aurait eu une puissance 50% plus élevée au Star 48B habituel. Cet étage a été testé en début 2014 mais pour limiter les risques d’échec de la mission, il a été décidé de lancer la sonde avec une Delta IV Heavy et un étage Star 48B qui a déjà montré sa fiabilité à maintes reprises.

Sonde Parker Solar Probe lors de sa mise sous coiffe. Le troisième étage Star 38B est la boule grise entre les panneaux solaires et l’adaptateur de lancement. Crédits : NASA.

Six semaines après le lancement, la sonde atteindra pour la première fois Vénus afin de profiter de sa gravité pour descendre encore plus son périhélie. Son premier passage proche du Soleil aura lieu fin 2018 à 0,163 UA (36 rayons solaires) de notre étoile. Pendant les années suivantes, l’observatoire solaire repassera à six reprises proche de Vénus fin de diminuer encore et encore son périhélie (jusqu’à 0,044 UA soit 9,86 rayons solaires) ainsi que son aphélie qui descendra de 1 UA à 0,8 UA. La période orbitale va varier de 168 jours pour les premières orbites à 88 pour les dernières. Une orbite est décomposée en deux phases : la phase scientifique qui dure environ 11 jours qui se déroule quand la sonde est à moins de 0,25 UA du Soleil et la phase de croisière qui durera entre 158 et 77 jours. Lors de la phase scientifique, les panneaux solaires sont repliés, les communications se limitent aux commandes et à la télémétrie, les données sont stockées et aucune manœuvre avec les moteurs n’est réalisée. Une fois sortie de cette phase, les panneaux solaires sont redéployés mais il faudra attendre d’être à 0,56 UA pour déployer l’antenne parabolique à grand gain qui émettra les résultats des instruments en bande Ka. Ce sont les antennes paraboliques de 34m de diamètre du réseau Deep Space Network qui capteront ces résultats pendant des sessions de 10 heures par jour. Les survols de Vénus entraînent des activités spécifiques qui commencent 30 jours avant celui-ci et se terminent 10 jours après. Parmi ces activités, on trouve une ou deux corrections de trajectoire (TCM) grâce au système propulsif.

Animation de la trajectoire de Parker Solar Probe. Jaune = Soleil ; Vert = Mercure ; Cyan = Vénus ; Bleu = Terre ; Rose = Parker Solar Probe

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Un jour, deux lancements, quatorze satellites

samedi, juillet 28th, 2018

Mercredi dernier, le 25 juillet 2018, un évènement assez rare dans le domaine aérospatial a eu lieu : Deux lancements à pas moins de 14 minutes d’écart. En marge de cette coïncidence, on se retrouve naturellement avec deux charges utiles en transit vers leurs orbites en même temps, ce qui mérite d’être souligné. Quels sont ces charges me demandez-vous ? Il y avait donc dix satellites Iridium NEXT lancés par une Falcon 9 de SpaceX et quatre Galileo lancés par une Ariane 5 d’Arianespace.

 

Ariane 5 VA244 au court de son vol pour aller se mettre en orbite moyenne. Crédits : Arianespace

 

VA244

La première fusée de ce jour à décoller était donc l’Ariane 5 européenne. Cependant ce lancement n’était pas un vol classique, il marquait la fin d’une ère et montrait que l’arrêt de l’utilisation de ce lanceur était proche. En effet, c’est la dernière Ariane 5 version ES qui a décollé lors du vol VA244. Qu’est ce qu’une Ariane 5 ES ? C’est tout simplement une Ariane 5 possédant un second étage dit EPS (Etage à Propergols Stockables) en opposition à l’Ariane 5 ECA qui, elle, utilise un second étage ESC (Etage Secondaire Cryogénique). La différence entre ces deux seconds étages se voient au niveau de leurs ergols et donc des moteurs. L’EPS utilise des ergols hypergoliques, en l’occurrence du monométhylhydrazine (MMH) et du peroxyde d’azote (N2O4). Ces deux carburants ont la particularité chimique de s’enflammer sur un simple contact, ce qui le rend à la fois très pratique car il n’y a pas besoin de mécanisme d’allumage dans le moteur, mais c’est en même temps un mélange très dangereux en cas de fuite. Le moteur de l’EPS était l’Aestus, réacteur allemand avec la capacité d’être rallumé plusieurs fois et pour un temps cumulé de combustion de 1100 secondes (environ 20 minutes).

 

Etage EPS du vol VA244. Les sphères jaunes contiennent les ergols et les sphères noires contiennent de l’hélium liquide qui sert à pressuriser les réservoirs jaunes pour propulser les carburants dans le moteur Aestus qui ne possède pas de turbopompes. Crédits : Arianespace

 

Ainsi le vol VA244 marquait la fin de l’utilisation de ce moteur Aestus, de cet étage EPS et de l’Ariane 5 ESC. Logiquement, ce vol est donc le dernier à ne pas utiliser les bras cryogéniques du pas de tir. Effectivement ces bras ne servent qu’à remplir le second étage ESC en oxygène liquide et hydrogène liquide. VA244 était également le dernier lancement d’une Ariane 5 avec une coiffe de taille courte. Ce lanceur possédait deux longueurs de coiffe protectrice différentes : 12,728m pour la version courte et 17m pour la version longue. La première est normalement utilisée pour les lancements d’un seul satellite ou alors vers des orbites basses ou moyenne tandis que la seconde sert, en association avec le SYLDA (coiffe structurelle dans la coiffe protectrice), dans le cas de la mise en orbite géostationnaire de deux satellites.

 

Vue rapprochée de la coiffe courte et des bras cryogéniques repliés car inutiles sur ce vol (rectangle jaune avec des tuyaux rouges à gauche de la coiffe). Crédits : Arianespace

 

VA244 était également le dernier lancement de satellites Galileo à bord d’une Ariane 5. En effet les quatre derniers satellites décolleront à bord d’une Ariane 62, la nouvelle fusée d’Arianespace qui réalisera son premier vol en 2020. Etant donné que l’Ariane 62 ne pourra mettre sur orbite que deux satellites Galileo à la fois, VA244 devient également le dernier lancement de quatre Galileo. Ce vol devenait aussi le 99ème lancement d’une Ariane 5. Le 100ème devrait prendre place le 5 septembre pour la mission VA243 (ce vol aurait dû avoir lieu avant VA244 mais un retard d’un des constructeurs de satellite à causer son décalage après) et la mise en orbite des satellites Horizons-3e et Intelsat 38.

 

Les quatre satellites Galileo du vol VA244 en train d’être placés sur leur dispenseur qui les larguera en orbite. Crédits : Arianespace

 

Galileo est une constellation GNSS (Global Navigation Satellite System) très similaire au GNSS américain que tout le monde connaît : le GPS. Cette similarité est tellement importante que les structures des satellites sont quasi identiques. La principale différence entre les deux est le fait que le GPS soit d’abord un système militaire alors que Galileo est public. En plus d’éviter les black-outs qui peuvent avoir lieu en temps de guerre, cela rend également les satellites beaucoup plus légers. Effectivement, les satellites GPS ont été blindés et pèsent donc environ trois tonnes à l’unité là où les Galileo n’atteignent que 738kg sur la balance.

 

Vue d’artiste de deux satellites Galileo avec leurs panneaux solaires déployés. En réalité, deux satellites ne sont pas aussi proches l’un de l’autre que ça. Crédits : Arianespace

 

C’est la Commission Européenne qui a contacté l’ESA pour développer le segment spatial de Galileo. Ce dernier se composera à terme de 30 satellites donc 24 seront opérationnels et 6 serviront de remplacements en cas de problème. Ils seront répartis sur trois plans orbitaux d’une altitude de 23 222km et tous inclinés à 56° par rapport à l’équateur. Les satellites mesurent 2,7m de haut, 1,2m de large et 1,1m de profondeur et jusqu’à 14,67m de largeur une fois les panneaux solaires déployés en orbite. Ces derniers fourniront une puissance électrique de 1900W au satellite lui permettant ainsi de faire fonctionner tous ses systèmes et ses antennes. La constellation Galileo émet donc sur trois bandes / fréquences différentes : E5, E6 et E1. Avec ce réseau de satellites, il est possible d’atteindre une précision de moins de 5m gratuitement et jusqu’à 10cm grâce aux services payants en comparaison aux 10m du GPS.

 

Simulation pendant le vol VA244 où l’on voit les quatre satellites Galileo et l’étage EPS qui vient d’être allumé pour la première fois. Crédits : Arianespace

 

En ce moment il y a 26 satellites Galileo au-dessus de nos têtes. 24 sont opérationnels et 2 servent à des tests car ils avaient été placés sur une mauvaise orbite à cause d’un problème au lancement. VA244 a ajouté les satellites 23, 24, 25 et 26 respectivement nommés Tara, Samuel, Anna et Ellen. Ces noms sont ceux d’enfants nés en 2000, 2001 ou 2002 et qui ont gagnés un concours de dessin organisé par l’ESA en 2011 pour motiver des jeunes à s’intéresser au spatial. Chacun de ces satellites Galileo devraient fonctionner pendant au moins 12 ans, ce qui laisse une certaine période pour que les noms de ces enfants restent en orbite dans l’espace.

 

Décollage de la 99ème Ariane 5 pour le vol VA244. Crédits : Arianespace

 

 

Iridium NEXT VII

14 minutes après le décollage de VA244, c’est une Falcon 9 qui s’élance depuis la base militaire de Vandenberg sur la côte Ouest des Etats-Unis pour mettre en orbite pas moins de dix satellites Iridium NEXT, la nouvelle génération de la constellation de téléphonie satellite Iridium. Si vous souhaitez en apprendre plus sur ces satellites, leurs caractéristiques et leurs objectifs, vous pouvez retrouver un précédent article juste ici. Lors de ce vol ce sont les satellites de 66 à 75 qui ont été envoyés.

 

A cause du brouillard trop épais à Vandenberg, les seules images du décollage ont été prises depuis la caméra placée à bord de la Falcon 9. Crédits : SpaceX

 

Lors de ce vol, l’objectif était de récupérer le premier étage et la coiffe du lanceur. Celui-ci était d’ailleurs le troisième Block 5 dont les modifications avaient été détaillées dans cet article sur le lancement de Bangabandhu-1. Ici le vol s’est encore une fois déroulé à merveille mais une météo capricieuse au niveau de la zone de récupération mettait en danger le bon atterrissage du booster et de la coiffe. En effet il y avait beaucoup de vents de cisaillement dans cette zone et ces vents sont très complexes à gérer car ils agitent le booster, le déplacent dans un sens puis dans l’autre, etc. SpaceX aurait donc bien pu rater un atterrissage voire endommager la barge JRTI (Just Read The Instructions). Finalement le premier étage a extrêmement bien traité cette météo et a atterri sur la barge, peut-être pas au centre mais il a atterri !

 

A gauche, on peut voir le premier étage réaliser un « boostback burn » pour ralentir et ramener sa trajectoire vers la barge JRTI. A droite, le second étage a allumé son moteur pour pousser les dix satellites Iridium NEXT sur leur orbite finale. Crédits : SpaceX

 

Du côté de le coiffe, ces vents ont été plus gênants. Le bateau Mr. Steven qui est chargé de récupérer les demi-coiffes à l’aide d’un grand filet se trouvait dans la même zone de vents de cisaillement que la barge JRTI. A la suite de plusieurs échecs de cette récupération de coiffes sur de précédents vols, SpaceX avait décidé d’augmenter la taille du filet, et pas qu’un peu : le filet a quadruplé de surface ! Le navire a également reçu des améliorations lui permettant de manœuvrer plus vite afin de « chasser » la coiffe. Cependant, lors de ce vol, la météo aura eu raison des demi-coiffes qui, encore une fois, se sont crashés en douceur dans l’océan Pacifique.

 

Comparaison avant-après du filet de Mr. Steven, le bateau récupérateur de coiffes de SpaceX. Crédits : SpaceX

 

Ce vol a donc été un nouveau succès pour SpaceX et encore une belle démonstration du Block 5 qui a su ratterrir même par des vents de cisaillement forts !

 

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La deuxième Falcon 9 Block 5 pour le plus lourd satellite géostationnaire

mardi, juillet 24th, 2018

Vous vous souvenez du lancement de Bangabandhu-1 ? C’était le premier lancement de la dernière version de la Falcon 9 : j’ai nommé le Block 5 ! Dimanche 22 juillet 2018, c’est au tour du satellite Telstar 19V de s’envoler à bord d’un Block 5, le deuxième produit et lancé par SpaceX. Le lancement a eu lieu à 7h50 heure française et dans la nuit floridienne (1h50) au pas de tir 40 de Cape Canaveral.

 

Décollage de Telstar 19V depuis le pas de tir 40 de Cape Canaveral. Crédits : SpaceX

 

Telstar 19 VANTAGE

Telstar 19V est un nouveau satellite commandé par la société canadienne Telesat et construit par la compagnie américaine SSL (Space Systems Loral). Ce dernier a rejoint Telstar 12V et Telstar 18V en orbite. Le but de ces différents satellites est de permettre une couverture optimale et flexible pour les opérateurs satellites. En effet, avec l’augmentation rapide des besoins de communication chez les particuliers, les gouvernements, les entreprises et même dans l’industrie marine et aéronautique, il faut des moyens de transmission d’informations de plus en plus performants.

 

Vue d’artiste du satellite Telstar 19 VANTAGE une fois déployé en orbite. Crédits : Telesat

 

Pour améliorer ce système, Telstar 19V embarque deux charges utiles : des antennes en bande Ku et d’autres en bande Ka. Ce satellite se positionne très proche de son cousin Telstar 14R sur l’orbite géostationnaire (36 000km d’altitude) à une latitude de 63° Ouest. Cet emplacement est extrèmement pratique car il offre la possibilité de communiquer directement avec l’Amérique et avec l’Europe. Ainsi Telstar 19V apporte une nouvelle puissance de communication en Amérique du Nord avec des signaux HTS (High Throughput Satellite / Satellite à haute intensité) en bande Ku et Ka. Ce nouveau satellite instaure également les signaux HTS au Brésil, dans la région de la Cordillère des Andes, dans les Caraïbes et au nord du Canada.

 

Carte montrant les zones d’utilisation des signaux envoyés par le satellite Telstar 19V. Crédits : Telesat

 

Telstar 19 Vantage devrait fonctionner pendant une quinzaine d’années sur son orbite avant de se propulser sur une orbite cimetière, légèrement plus loin de la Terre que l’orbite géostationnaire pour libérer l’emplacement qu’il occupait ainsi que pour éviter que ce dernier devienne incontrôlable et percute un autre satellite. Ce dernier devient également le plus lourd satellite commercial jamais lancé en GTO (orbite de transfert géostationnaire) avec sa masse de 7 080kg, battant ainsi le précédent record détenu par TerreStar1, un autre satellite construit par SSL, lancé en juillet 2009 à bord d’une Ariane 5 et qui était lourd de 6 910kg.

 

Telstar 19V pendant son installation dans une chambre froide et à vide qui permet de recréer les conditions de l’espace afin de tester le satellite. Crédits : SSL

 

Cependant Telstar 19V n’atteindra pas son orbite finale avec cette masse. En effet la Falcon 9 qui l’a lancée, l’a laché sur une orbite relativement basse : 243km par 17 863km et inclinée à 27,0°. Même si cette dernière est loin des orbites GTO classique (plus proche de 400km par 36 000km), ni SpaceX, ni Telesat ne semblaient tristes ce qui signifie que cette orbite est belle et bien celle attendu. Pour rejoindre l’orbite géostationnaire finale, Telestar 19V va devoir utiliser le carburant qu’il a emporté (hydrazine).

 

Telstar 19V après sa séparation du second étage de la Falcon 9. On y aperçoit la tuyère de son moteur en bas et un de ses panneaux solaires encore repliés devant. Crédits : SpaceX

 

Lancement

Ce vol, en plus de marquer un nouveau record de masse, représente le deuxième vol de la Falcon 9 Block 5, dernière itération de ce lanceur. Après un lancement parfait le 11 mai 2018 et que vous pouvez retrouver détaillé ici, ce vol a connu un très léger problème qui en a fait suer certains. En effet, toute la première phase du vol s’est déroulée parfaitement : Décollage à l’heure, passage supersonique et de Max-Q sans problème, séparation des étages sans accrocs et fin du premier allumage du second étage (on reparle de ce qui est arrivé au premier étage juste après). Après une phase de croisière de 18 minutes, le second étage doit réallumer son moteur Merlin pendant 50 secondes afin de pousser l’apogée de l’orbite et de diminuer son inclinaison. Le rallumage se passe très bien mais quelques secondes avant l’extinction prévue, un des ingénieurs annonce « Low Signal » et plus personne ne parle sur le direct. Ce message signifie simplement que le signal reçu du second étage est trop faible. Ce problème arrive assez souvent quand un lanceur passe d’une station sol à une autre. A ce moment il est donc au plus loin d’une antenne et le signal devient assez faible. Sauf que lors de ce vol, le message « Low Signal » a été annoncé alors que le second étage était au-dessus de la station sol du Bénin et le signal n’avait donc aucune raison apparente d’être aussi faible. Cet incident n’est habituellement pas gênant mais ici, il est apparu juste avant l’extinction du moteur. Ainsi les ingénieurs de Hawthorne, au QG de SpaceX, n’avaient aucun moyen de confirmer cette dernière. Heureusement, une petite minute après la perte de signal, ce dernier est revenu et l’orbite a pu être confirmée comme correcte : le moteur s’est bien éteint au bon moment !

 

Photo du moteur du second étage pendant son deuxième allumage pour augmenter l’orbite du satellite. C’est pendant cet allumage qu’est survenu la légère perte de signal. Crédits : SpaceX

 

D’un autre côté, le premier étage ne s’est pas laissé abandonner. Après la séparation des deux étages, celui-ci s’est retourné pour se préparer à rentrer dans l’atmosphère. 3min30 après cela, une fois que l’air se densifie, trois moteurs se sont rallumés sur le booster pour le faire ralentir et éviter qu’il ne surchauffe trop. Autre point positif de ce rallumage, les flammes des trois propulseurs forment une sorte de bouclier de plasma qui protège encore plus l’étage. Après ce rallumage de quelques dizaines de seconde, une nouvelle phase d’attente d’1min30 a lieu. Enfin le moteur central de l’étage s’est allumé pour freiner ce dernier et le faire atterrir sur la barge OCISLY (Of Course I Still Love You) qui attendait tranquillement au large de la Floride, dans l’Altlantique.

 

Photo du premier étage une fois avoir atterri sur la barge OCISLY. Crédits : SpaceX

 

En somme, ce lancement a été un nouveau succès, qui marque le 13ème vol de Falcon 9 cette année. Celui-ci a permis de battre un record de masse en GTO, augmenter la fiabilité du Block 5, améliorer la communication satellite en Amérique et tester les nerfs des ingénieurs et des spectateurs avec cette légère perte de signal du second étage.

 

Images prises quelques secondes après la séparation des deux étages. A gauche, on voit le premier étage et les grid fins (surfaces de contrôle) se déployer. Le panache bleu au-dessus de ces derniers est tout simplement le plasma du moteur du second étage, moteur que l’on peut voir à droite. Crédits : SpaceX

 

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Ravitaillement américano-russe de l’ISS

mardi, juillet 10th, 2018

La Station Spatiale Internationale a constamment besoin de ravitaillement, qu’il s’agisse de vivres pour les astronautes ou d’expériences scientifiques que ces derniers devront réaliser ou encore des pièces de rechange pour réparer les éléments défectueux de ce gigantesque laboratoire. En moins de deux semaines, la station a ainsi reçu deux nouveaux cargos et pas moins de 5,5 tonnes de charge utile. Ces deux cargos, ce sont le Dragon CRS-15 de SpaceX et la Progress MS09 de Roscosmos. Le premier a décollé le 29 juin à 11h42 CEST et s’est arrimé à la station un peu plus de trois jours après, le second est parti de la Terre le 10 juillet à 23h51 CEST avant de rallier l’ISS en seulement trois heures et quarante minutes !!

 

Photo du décollage de CRS-15. Crédits : SpaceX

 

CRS-15

La mission CRS-15 est, comme son nom l’indique, la quinzième mission de ravitaillement de l’ISS de SpaceX. Celle-ci a décollé depuis Cape Canaveral et le pas de tir SLC-40. Le contrat existant entre la société privé d’Elon Musk et la NASA était initialement prévu pour prendre fin à CRS-12 mais il a été étendu jusqu’à CRS-15 en début 2015 et même jusqu’à CRS-20 en février 2016. Cependant, SpaceX a arrêté la construction de ses capsules Dragon avec CRS-12. Comment continuer de ravitailler l’ISS sans fabriquer de nouveaux cargos ? C’est simple, il suffit de réutiliser les anciens ! Ainsi, le cargo utilisé pour CRS-15 avait déjà volé lors de CRS-9 il y a deux ans. Seules deux parties ont dû être reconstruites entièrement : le nez aérodynamique qui protège le port d’arrimage au décollage et le « trunk », sorte de grande soute où sont placés les plus gros équipements de la station et où on retrouve également les panneaux solaires du Dragon, ce « trunk » est séparé avant la rentrée atmosphérique car il cacherait le bouclier thermique.

 

Photo prise pendant le vol de la Falcon 9. On peut très bien voir les neufs moteurs. Crédits : SpaceX

 

CRS-15 a amené à la station pas moins de 2697kg de matériels dont :

-205kg de vivres

-1233kg de matériels scientifiques

-63kg d’équipement pour les EVAs

-178kg d’électronique de bord

-21kg de ressources pour les ordinateurs de la station

-12kg de matériel pour la partie russe

-985kg de charge utile non pressurisée (dans le « trunk ») dont ECOSTRESS (550kg) et une nouvelle LEE (435kg).

 

Photo des deux équipements dans le « trunk » de CRS-15. En haut on peut voir la nouvelle LEE et en bas il y a ECOSTRESS. Crédits : SpaceX

 

Dans un premier temps, parlons du matériel non pressurisé. La LEE (Latching End Effector) est une des deux « têtes » du bras robotique Canadarm 2. C’est cette pièce qui permet au bras d’attraper des cargos comme le Dragon ou Cygnus afin de les arrimer à l’ISS. Cette même partie du Canadarm 2 lui permet de se déplacer sur la station en s’attachant à un des nombreux points présents à l’extérieur de l’ISS avant de relâcher son précédent point d’accroche où l’on trouve une autre LEE. Les dernières EVAs sur la station se sont beaucoup concentrés sur ces pièces en remplaçant les anciennes par les nouvelles. Ainsi, le Canadarm 2 était équipé des dernières technologies mais plus aucune pièce de rechange n’était disponible pour la LEE. Cette dernière est sûrement une des pièces les plus critiques sur la station car si une des deux tombe en panne en orbite, seul le cargo russe Progress pourrait ravitailler la station car il est le seul à savoir se « docker » sans bras robotique. Problème, le Progress ne peut pas transporter de nouvelle LEE de rechange. Seul le Dragon a un espace assez grand pour l’apporter en orbite. Il était donc crucial pour les ingénieurs d’amener cette nouvelle LEE au plus vite afin de pouvoir remplacer celles déjà existantes en cas de défaillances.

 

Installation d’ECOSTRESS sur la table d’expériences du laboratoire Kibo. Crédits : NASA

 

La seconde charge utile non pressurisée est l’expérience scientifique ECOSTRESS. Cette dernière sera fixée sur le Site 10 de la table du laboratoire japonais Kibo. Cette table située dans le vide spatial est un des trois endroits les plus utilisés pour placer les expériences (les deux autres étant la poutre et l’extérieur droit du laboratoire Colombus). ECOSTRESS a été construit par le JPL de la NASA afin de cartographier la Terre dans les infrarouges. C’est l’instrument PHyTIR (Prototype HyspIRI Thermal Infrared Radiometer) qui prendra ces photos. Ce dernier a une résolution de 38m dans le sens de déplacement de la station et de 69m à 90° de ce précédent sens de déplacement. La résolution minimale nécessaire pour ce type d’expérimentations est de 100m. Cette même caméra développée par l’ESTO (Earth Science Technology Office) pendant le programme d’incubation d’instrument peut également détecter des variations de température de moins de 0,1K alors que le minimum requis est de 0,3K. Grâce à cette instrumentation et cette cartographie, les agriculteurs du monde entier pourront savoir gratuitement quelles parties de leurs champs sont mal hydratées en détectant les parties trop chaudes. Ainsi, l’eau sera utilisée de manière plus efficace et évitera un gaspillage important (l’agriculture est le premier usage de l’eau dans le monde avec 70%).

 

Expérience Barios PCG. Crédits : Barrios Technology

 

Parmi les nombreuses expériences à bord du cargo Dragon CRS-15, on retrouve Barrios PCG. Cette dernière a été développée par Barrios Technology et a pour but d’étudier la croissance de cristaux de manière organique. Cette expérience sera réalisée dans la boîte à gants du laboratoire Destiny et les astronautes ajouteront de la solution de silicate de sodium en roulant le sachet, ce qui permettra la formation de cristaux sur le fil d’acier. En étudiant les tests, les futures itérations de l’expérience pourront être optimisées afin d’étudier la formation de protéines dans notre corps mais aussi le fonctionnement de certains médicaments.

Exemple de simulations sur la force cohésive. Crédits : University of California

 

L’expérience BCAT-CS de sont côté va étudier une interaction nommé « force cohésive » dans les sédiments. Cette force est très présente dans la manière dont les sédiments sont transportés dans l’environnement mais aussi dans des systèmes mécaniques mais sa faiblesse la rend très dure à étudier sur Terre car la gravité prend le dessus bien souvent. La compréhension de cette force pourra nous permettre de mieux appréhender la transportation de contaminants et de polluants. Le but de BCAT-CS est donc de réaliser différentes expériences basées sur cette force cohésive afin de comparer les résultats réels avec les simulations numériques faites ici, sur Terre. Une fois le modèle mathématique trouvé, il sera bien plus simple d’étudier tous les phénomènes liés à cette interaction.

 

Photo de la machine à fibre optique de Made In Space et des fibres produites. Crédits : Made In Space

 

Made In Space Fiber Optics-3 est une expérimentation qui vise à étudier la meilleure manière de produire des fibres optiques dans l’espace. En effet il a déjà été prouvé que la manufacture dans l’espace des ces dernières permet d’éliminer beaucoup plus facilement les impuretés et donc d’obtenir une fibre de bien meilleure qualité. La fibre optique ZBLAN pourrait ainsi dépasser de très loin celles fabriquées sur Terre. Dans un futur proche, Made In Space espère pouvoir envoyer sa fabrique de fibres optiques à bord de l’ISS. Mais avant cela, les ingénieurs cherchent à optimiser et encore optimiser leur résultat, d’où cette troisième itération de leur expérience.

 

CIMON dans une réplique sur Terre du laboratoire Destiny. Crédits : DLR

 

Il reste encore de nombreuses expériences dont vous pourrez retrouver des descriptifs à l’adresse suivante : https://www.iss-casis.org/press-releases/spacex-crs-15-mission-overview/ mais il est maintenant temps de parler du robot CIMON. Ce dernier est le tout premier assisant autonome volant d’astronaute équipé d’une intelligence artificielle. Ce démonstrateur technologique développé par l’agence spatiale allemande, le DLR, va être installé dans le laboratoire Colombus est sera utilisé par l’astronaute de même nationalité pendant son séjour de six mois et sa mission « Horizons ». CIMON (Crew Interactive MObile companioN) a un diamètre de 32cm pour une masse de 5kg. Il possède plusieurs petits ventilateurs qui lui permettent de se déplacer partout sur la station. CIMON peut voir, entendre, comprendre et parler avec les astronautes pour leur donner les instructions d’une certaine expérience lorsque le centre de contrôle de cette dernière n’est pas disponible par exemple. Le 9 mars 2018, le premier test en microgravité de CIMON a eu lieu lors de la 31ème campagne de vol ZeroG allemande à Bordeaux. Ce test a permis de vérifier que tous les éléments de contrôle fonctionneraient une fois sur la station. Maintenant arrivé sur l’ISS, CIMON va réaliser toute une série de vérifications de son intégrité avant d’aider Alexander Gerst dans son travail. Les trois expériences prévues sont la pousse de cristal vue précédemment, la résolution d’un Rubik’s Cube et même une expérience médicale dans laquelle l’assistant volant servira de caméra. Si ce prototype est un succès, il sera très utile pour les astronautes sur l’ISS mais aussi et surtout lors de mission dans l’espace lointain comme Mars car les communications avec la Terre seront longues et pouvoir avoir accès à tout un protocole directement via un assistant robotique sera plus simple et plus pratique.

 

Photo longue exposition du décollage de CRS-15. Crédits : Michael Seeley @Mike_Seeley

 

Le vol de CRS-15 utilisait donc un cargo réutilisé mais également un premier étage réutilisé. Le booster de la Falcon 9 avait ainsi volé lors du lancement de TESS et a été le dernier Block 4 a emmené un objet en orbite. Ce vol a également été la réutilisation la plus rapide d’un booster avec seulement 2 mois et 11 jours entre les deux lancements. Comme tous les précédents vols de booster ayant déjà réalisé une première mission, le premier étage de CRS-15 n’a pas été récupéré et a sûrement testé un profil de rentrée atypique pour assurer une réussite à 100% du Block 5 qui doit pouvoir voler 10 fois sans réparation majeure et jusqu’à 100 fois avec des révisions plus importantes tous les 10 vols. Ce dernier vol marque donc la fin du Block 4, itération de la Falcon 9 qui n’a connu aucun échec !

 

Photo en gros plan du cargo Dragon CRS-15 lors de son arrimage au Canadarm 2. Le dessin de l’ISS signifie qu’il est déjà venu une fois sur la station. Crédits : Oleg Artemyev

 

Après trois jours de voyage en orbite, le Dragon CRS-15 s’est approché de la station. Une fois à 10m, les astronautes de l’ISS ont commandé le Canadarm 2 pour attraper le cargo. Une petite attente a eu lieu car il faisait trop sombre et l’image qu’obtenait les astronautes de la caméra placée sur le bras avait trop de bruit numérique à cause de cette pénombre. Une fois le bras robotique et le cargo lié, ce sont des techniciens au sol qui se sont occupés d’arrimer CRS-15 au port nadir (du côté de la Terre) du nœud Harmony le 2 juillet à 15h50 CEST. Voici une magnifique vidéo de cette dernière phase du voyage du cargo : www.twitter.com/astro_ricky/status/1014981035887558656?s=19 .

 

Progress MS09

Une semaine après l’arrimage de CRS-15, c’est le cargo russe Progress MS09 qui décollait depuis Baïkonour. Contrairement au Dragon, ce vaisseau a surtout amené des vivres et des consommables :

-705kg de carburant

-50kg d’oxygène et d’air

-420kg d’eau

-De la nourriture

 

Décollage de Progress MS09. Crédts : NASA et Roscosmos

 

Cette mission est pour le moins très importante pour l’agence spatiale russe. Dans un premier temps elle représente le voyage le plus court vers l’ISS jamais réalisé. En effet entre le décollage et le « docking », il ne s’est passé que 3h40 et deux orbites !! Ce temps de ravitaillement très court peut s’avérer pratique mais il demande une précision hors-norme. En effet quelques semaines avant le décollage, la station avait légèrement modifié son orbite afin de pouvoir réaliser ce rendez-vous rapide. C’est la fusée Soyuz 2.1a qui s’est occupée de placer le Progress en orbite. Ce voyage est devenu le troisième « docking » le plus rapide de l’histoire. Le premier est l’expérience Cosmos 186/188 en 1967 avec un temps entre décollage et arrimage de 1h8min et le deuxième est la mission Gemini 11 et son arrimage à la cible Agena.

 

« Docking » du Progress MS09 au module Pirs de l’ISS. Crédits : NASA

 

Le deuxième point qui rend cette mission critique pour la Russie est au moment de son désarrimage. Effectivement, Progress MS09 s’est « docké » au port Pirs qui se situe au nadir de la station. Lors de son départ, ce n’est pas le Progress qui se séparera de Pirs mais bien Pirs se détachera de Zvezda. Et oui ! Pirs est retiré de la station et brûlera dans l’atmosphère avec le Progress MS09. L’agence spatiale russe a décidé d’enlever ce module pour préparer l’arrivée du futur laboratoire Nauka qui aurait dû décoller depuis quelques années mais qui est maintenant prévu pour l’année prochaine.

 

Image de l’ISS prise par le Progress MS09 lors de son rendez-vous un peu plus de 3h après le décollage. Crédits : NASA et Roscosmos

 

Le lancement s’est déroulé sans accros et porte ainsi à 57, le nombre de lancements orbitaux en 2018 (58 au moment de la publication de cet article à la suite du lancement de la fusée chinoise Long March 3A).

 

Soyuz 2.1a avec à son bord le Progress MS09 sur son pas de tir avant le décollage. Crédits : Roscosmos

 

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Trois nouveaux arrivants sur l’ISS

samedi, juin 9th, 2018

Après le retour sur Terre de Soyuz MS07 le 3 juin 2018, il n’y avait plus que trois astronautes sur la station spatiale internationale. C’est pourquoi le 8 juin, un nouvel équipage décollait de Baïkonour pour rejoindre l’ISS après deux jours de voyage et 34 orbites. Cet équipage du Soyuz MS09 comportait l’américaine Serena Auñón-Chancellor, le russe Sergey Prokopyev et enfin l’allemand Alexander Gerst.

Photo officielle des trois astronautes posant devant leur capsule Soyuz en combinaison de vol Sokol.

 

Les trois astronautes

Serena Auñón-Chancellor : Cette astronaute américaine née le 9 avril 1976 effectuait son premier vol dans l’espace à bord de cette mission et était nommée second ingénieur de vol. Elle est titulaire d’un diplôme en ingénierie électrique, d’un doctorat de médecine ainsi qu’un master de santé publique. Serena a d’ailleurs été embauchée par la NASA en tant que médecin de vol. Elle a ainsi passé plus de neuf mois en Russie pour préparer des vols sur l’ISS et est aujourd’hui chargée de la direction des opérations médicales pour le développement de la nouvelle capsule Orion. Elle a été sélectionnée par la NASA lors de la promotion de 2009 et a achevé son entraînement basique en 2011. Même si elle devra attendre 2018 pour décoller, elle n’a pas attendu sans ne rien faire. En effet dès 2012, Serena participe à la mission NEEMO 16 en tant qu’aquanaute.

Les mission NEEMO, acronymes de NASA Extreme Environment Mission Operations, se déroulent dans le laboratoire sous-marin Aquarius. Ce dernier est la seule et unique station de recherche sous-marine permanente. Elle se situe à 5,6km des côtes de la ville de Key Largo en Floride et à près de 19m sous la surface, là où la pression est déjà trois fois plus importante qu’à la surface. Ces missions NEEMO ont deux objectifs majeurs : entraîner les astronautes et les préparer à aller vivre dans l’espace mais aussi développer des solutions à nos problèmes terrestres en utilisant les océans et en évaluant les possibilités d’une habitation sous-marine.

Serena participera à nouveau à ces missions sous-marines en 2015 avec le 20ème équipage. Malgré ces deux missions, Serena ne devait pas partir aussi tôt. Effectivement ça aurait dû être à Jeanette Epps de partir à bord de Soyuz MS09. Cette dernière serait ainsi devenue la première femme afro-américaine à vivre sur la station. D’autres femmes de même ethnie avaient déjà réalisé des séjours dans l’ISS mais ceux-ci ne dépassaient pas la vingtaine de jours. L’annonce du changement de Jeanette vers Serena a été annoncé le 16 janvier 2018, juste six mois avant le décollage. La NASA n’a pas donné de raisons à cette modification et à annoncer que ce genre d’informations sont privés. Comme souvent dans ce genre de situation où une personne afro-américaine est remplacée par une caucasienne, le public crie souvent au racisme et ici c’est le frère de Jeanette Epps qui a posté sur Facebook le 20 janvier un message de diffamation envers la NASA : « Ma sœur Jeanette Epps s’est toujours battue contre l’oppression raciste et la misogynie au sein de la NASA et voilà qu’ils la retiennent et qu’ils laissent une astronaute caucasienne prendre sa place ! ». Au final, Serena devient la deuxième femme d’origine hispanique à voler dans l’espace !

 

Sergey Valeriyevich Prokopyev (Сергей Валерьевич Прокопьев) : Ce cosmonaute russe né le 19 février 1975 effectuait ici son premier vol spatial. Il a été nommé commandant de Soyuz MS09. Sergey était un major et commandant d’un escadron de Tu-160 de l’armée l’air russe avant d’être sélectionné pour devenir cosmonaute en octobre 2010. Il a suivi un entraînement basique au vol spatial pendant plus de deux ans. Sergey était assigné en tant que commandant de secours sur les missions Soyuz TMA-18M en 2015 et Soyuz MS07 fin 2018 avant d’enfin décoller à bord de Soyuz MS09.

 

 

 

 

Alexander Gerst : Cet astronaute allemand né le 3 mai 1976 vole ici pour la deuxième fois dans l’espace. Il a reçu un master en géophysique à l’Université de Karlsruhe en Allemagne. Entre 1998 et 2003, Alexander a participé à de nombreuses collaborations scientifiques et quelques expériences de terrains dont certaines dans les bases de l’Antarctique. De 2001 à 2003, Alexander continuait ces études en passant un master en sciences de la Terre. Pendant ces recherches pour sa thèse, il mit en place une nouvelle technique de surveillance des volcans. Cette technique pourrait améliorer les prédictions d’éruption volcanique et ses résultats ont été publiés dans le magazine scientifique Science. Jusqu’à 2009, Alexander a travaillé en tant que chercheur à l’Institut de Géophysiques et a reçu son doctorat en sciences naturelles en 2010. En 2007, il a reçu le prix Bernd Rendel du DFG German Research Foundation, équivalent allemand du CNRS français. Plusieurs de ses recherches ont été publiées et certains résultats ont même parus dans Nature.

Citation d’Alexander Gerst après son premier vol dans l’espace en 2014

En 2009, Alexander Gerst est sélectionné comme astronaute dans l’ESA. Sa promotion, les Shenanigans compte notamment Samantha Cristoforetti, Luca Parmitano, Andreas Mogensen, Matthias Maurer, Tim Peake et Thomas Pesquet. Alexander est le premier astronaute de cette sélection à voler pour la seconde fois mais il est surtout le premier allemand qui commandera l’ISS. En effet, il sera la commandant officiel du laboratoire spatial pendant les trois mois de l’expédition 57. Son premier vol était pour la mission Soyuz TMA-13M et a ainsi fait parti des expéditions 40/41 en 2014. Cette première mission était également nommée « Blue Dot » par l’ESA tout comme sa seconde mission est nommée « Horizons ». Lors de son premier séjour, Alexander a pu participer à une sortie extravéhiculaire (EVA) de 6h13min.

 

Photo du lancement de Soyuz MS09. Crédits : ESA

 

Lancement

Ainsi, ces trois astronautes ont décollé depuis le pas de tir historique de Baïkonour d’où s’est élancé Youri Gagarine il y a de cela 57 ans. Le lancement a eu lieu à 13h 12min 41sec, heure de Paris, et a duré très précisément 528 sec jusqu’à la mise en orbite du vaisseau. Une grande différence par rapport aux vols de Soyuz habituels était la présence d’une caméra à l’extérieur du vaisseau Soyuz et pointant vers le bas. Même si cette vue nous a montré de magnifiques images de la séparation du troisième étage, elle avait surtout un but scientifique. Etant donné que ce sera bientôt une variante de la fusée Soyuz 2.1a qui remplacera la Soyuz FG dans le rôle d’envoi d’astronautes, les ingénieurs de Roscosmos devaient s’assurer que la séparation du dernier étage se déroulait comme prévu.

 

Séparation du troisième étage vu depuis l’extérieur du vaisseau Soyuz. Crédits : Roscosmos

 

Voyage et docking

Une fois le vaisseau Soyuz en orbite, les panneaux solaires et antennes de celui-ci se sont déployés sans accroc. Il ne restait plus qu’aux astronautes à patienter deux longs jours dans un espace de 9m3 avant de pouvoir rejoindre la station. Pendant cette attente, la capsule aura effectué 34 orbites autour de la Terre ! Pourquoi ne pas avoir choisi le trajet en six heures ? La raison est plutôt simple. Pour relier l’ISS en six heures, le lancement doit être réalisé depuis une position très précise. Cependant cette position peut être gênée par un trajet abondant de satellites bloquant ainsi le voyage « rapide ».

 

Soyuz MS09 en approche de l’ISS. On distingue très bien les deux petites antennes ainsi que le port d’arrimage. Crédits : Oleg Artemyev (Astronaute russe sur l’ISS au moment du docking de MS09)

 

Soyuz MS09 a donc atteint la station le 8 juin avant de s’y docker à 15h01, heure de Paris. Ce docking a eu lieu en automatique (comme toujours) sur le nadir du port Rassvet. Le port Rassvet se situe juste à la liaison entre la partie russe et la partie américaine de la station. Le nadir signifie le « bas » de la station, autrement dit du côté où est la Terre. Ainsi, dire que le Soyuz s’est docké au nadir, veut dire qu’il s’est arrimé en faisant dos à notre planète. Ce docking s’est passé comme prévu et les trois astronautes ont enfin pu quitter leur capsule deux heures plus tard.

 

Docking de MS09 au module Rassvet. Crédits : NASA

 

En effet, il faut attendre encore avant de pouvoir ouvrir le sas. La pression atmosphérique du Soyuz et de l’ISS étant différentes, il faut les équilibrer lentement mais aussi vérifier que la liaison est étanche. Juste après être arrivé à bon port, les astronautes ont pris contact avec le sol pour parler avec leurs proches mais aussi répondre rapidement à certaines questions.

 

Photo des six nouveaux occupants de l’ISS. Crédits : Oleg Artemyev

Rencontre entre Oleg Artemyev et Sergey Prokopyev à l’arrivée de Soyuz MS09 sur l’ISS. Crédits : Oleg Artemyev (c’est un des astronautes américains qui a pris la photo mais c’est Oleg qui l’a publié)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au final, la station a de nouveau six occupants dont trois américains, deux russes et un allemand. Les trois occupants qui étaient déjà sur la station avant ce décollage repartiront en août 2018 tandis que les habitants de Soyuz MS09 rentreront en décembre. En attendant, les six astronautes réaliseront de nombreuses expériences scientifiques mais aussi des maintenances de la station qui devra continuer d’opérer jusqu’à au moins 2024 !

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